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#EtAprès Crise épidémique, crise climatique

La pandémie du coronavirus a eclipsé la lutte contre le changement climatique. Pour Bruno Bensasson, l'urgence sanitaire ne doit pas faire oublier l'urgence de la transition énergétique.

Article rédigé par franceinfo
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Puits de pétrole à Long Beach (Californie), en avril 2020. (APU GOMES / AFP)

Coronavirus : et après ? franceinfo ouvre le débat. Un échange à grande échelle pour stimuler et partager des questions, des idées, des témoignages et ouvrir le débat le plus largement possible sur les solutions de demain : #EtAprès, qu’est-ce qui doit changer ? Cette contribution est signée par Bruno Bensasson, directeur exécutif Groupe énergies renouvelables chez EDF, membre du Conseil scientifique et d’évaluation de la Fondation pour l'innovation politique


#EtAprès. Il est désormais avéré que la crise épidémique que nous traversons aura des conséquences non seulement sanitaires mais aussi économiques, sociales et politiques majeures. À cette heure, les incertitudes sont immenses et les inquiétudes sont considérables. Pour autant, il est déjà des voix pour affirmer que cette crise épidémique relaiera en arrière-plan la crise climatique, et d’autres voix pour dire au contraire qu’une relance publique de la demande sera nécessaire et que la transition énergétique serait un champ idéal d’intervention.

À certains égards, la crise épidémique est bien différente de la crise climatique : l’une a pris le monde par surprise, l’autre est annoncée de longue date ; l’une appelle une réponse urgente, l’autre requerra des efforts prolongés durant des décennies ; l’une affecte surtout les générations les plus âgées, l’autre concernera plutôt les générations jeunes et à naître ; l’une cherche encore son vaccin, l’autre a déjà des solutions éprouvées. 

La crise épidémique et la crise climatique ont toutes deux en commun de mettre en exergue la nécessité de protéger les biens publics mondiaux, au risque sinon de se retrouver face à de graves dommages humains, sociaux et économiques.

Bruno Bensasson

Santé et climat sont des biens publics parce que, gratuits par nature, ils ne peuvent pas être financés par la seule main invisible du marché : on a besoin de pouvoirs publics nationaux pour en commander la préservation, ce que les économistes appellent des "externalités". Ils sont mondiaux car ni les épidémies, ni les gaz à effet de serre ne connaissent les frontières, et l’on a besoin d’institutions internationales pour coordonner les efforts nationaux. On a aussi besoin de scientifiques pour rechercher et dire les faits. On a enfin besoin d’entreprises, publiques ou privées, pour déployer les solutions pertinentes.

Dans l’urgence de la crise épidémique, quand la vie de milliers de gens est en jeu, quand le confinement s’impose mais réduit drastiquement l’activité pour la limiter principalement aux activités indispensables à la nation, quand accessoirement les émissions de gaz à effet de serre chutent momentanément avec l’activité, il est bien normal de donner la priorité publique à la lutte sanitaire, sans qu’il soit nécessaire de hiérarchiser les crises. Mais, le moment venu, avec la reprise économique, les émissions de gaz à effet de serre repartiront à la hausse et la lutte contre le changement climatique devra reprendre.

À quel rythme ? Il y a fort à craindre qu’une fois le confinement levé l’activité ne se redresse que progressivement. Non seulement parce que l’offre aura été entamée par des faillites d’entreprises mais aussi parce que la demande globale pourrait être affectée : la consommation des ménages privés de revenus pendant la crise tout comme les opportunités d’investissements d’entreprises aux bilans affaiblis seront réduites. Bien entendu, la dépense publique pourra augmenter, notamment dans les domaines de la santé et de la formation, et pour le soutien aux secteurs les plus touchés par la crise, mais elle aura ses limites.

Les fins de mois et la fin du monde

Dans cette période d’urgence sociale, s’il y a encore de la place dans la dépense publique afin d’accélérer la transition énergétique – par exemple, en soutenant le déploiement de réseaux de charge de véhicules électriques ou la rénovation énergétique des bâtiments –, on peut être sûr que ce sera un bon investissement d’avenir et le secteur s’en réjouira. Mais jusqu’à ce que l’activité, et avec elle le pouvoir d’achat des ménages, ait retrouvé son niveau antérieur à la crise, les fins de mois des Français seront légitimement la préoccupation sociale première et la fin du monde risque d’attendre un peu, nécessité faisant loi.

Cette urgence passée, gardons-nous de la tentation de toujours remettre au lendemain les efforts requis pour lutter contre le changement climatique. Il est essentiel d’accélérer cette lutte en réduisant les consommations d’énergie et en substituant les énergies sans CO2 – le nucléaire et les renouvelables – aux énergies fossiles, dans les transports, les bâtiments et l’industrie. À défaut d’investir assez tôt et assez fort dans la protection de ce bien public-là, les drames écologiques, sanitaires, sociaux et économiques risquent de se multiplier et, la nature étant ce qu’elle est, il n’y aura sans doute ni vaccins ni barrières. Heureusement, nous sommes prévenus et, avec la volonté, il est encore temps d’agir.

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