Économie : "L'extrême pauvreté a été divisée par deux en trente ans", constate Esther Duflo, prix Nobel d'économie 2019
"L'extrême pauvreté a été divisée par deux en trente ans", constate mardi 20 juin sur France Inter Esther Duflo, prix Nobel d'économie en 2019 et titulaire de la chaire "Pauvreté et politiques publiques" du Collège de France, qui organisera jeudi 22 et vendredi 23 juin un colloque sur cette thématique. L'économiste met également en avant une baisse de la "mortalité maternelle et infantile", saluant un "bilan extrêmement positif". Pour Esther Duflo, cette réduction de l'extrême pauvreté résulte d'un certain nombre "d'actions faites dans les pays pauvres et par les pays pauvres".
Esther Duflo alerte toutefois sur l'apparition de plusieurs difficultés depuis la crise sanitaire, poussant "peut-être des millions de personnes" dans la pauvreté. "Depuis 2019, on assiste à une globalisation des problèmes auxquels font face les plus pauvres du monde", lance la professeure au Massachusetts Institute of Technology aux États-Unis.
Une crise en Europe "se transforme désormais en une crise en Afrique"
Esther Duflo évoque notamment les "effets immédiats de la guerre en Ukraine sur l'Afrique, avec par exemple l'augmentation des prix alimentaires". Selon Esther Duflo, "l'inflation en Europe et aux États-Unis a conduit à une augmentation des taux d'intérêt qui a engendré des difficultés énormes de services de la dette, et qui a donc créé une crise d'endettement", rendant "le remboursement impossible". L'experte constate donc qu'une "crise qui existe chez nous se transforme désormais en une crise en Afrique", du fait de cette mondialisation.
Depuis la crise liée au Covid-19, les indicateurs liés à la pauvreté semblent faire "un grand bond en arrière". Si ce recul est difficile à "chiffrer" de manière exacte, l'économiste affirme qu'il peut tout de même se mesurer "à la fois sur la pauvreté elle-même, c'est-à-dire le nombre de personnes qui vivent avec moins de deux dollars par jour et par personne, et aussi sur des indicateurs pratiques". Elle met ainsi en avant le fait que "le taux d'enfants vaccinés a énormément baissé pendant le Covid et n'est pas remonté depuis". "Le paludisme qui avait été très bien contrôlé remonte parce que les programmes de distribution de moustiquaires se sont arrêtés", ajoute-t-elle.
L'économiste rappelle que durant la crise sanitaire, "les pays riches ont dépensé 27 % de leur PIB en mesures de soutien à leur population", ce qui a contribué, selon elle à ce qu'il n'y ait "pas d'augmentation de la pauvreté ni en France ni aux États-Unis". Mais Esther Duflo remarque que "les pays pauvres sont parvenus à dépenser 2 % de leur PIB, qui est beaucoup plus faible, sur leur population". Cette comparaison permet de comprendre, en partie, pourquoi à la sortie de la crise liée au coronavirus, "les pays riches ont réussi à se relancer rapidement", contrairement aux pays pauvres. "On en a probablement pour des années où la situation macroéconomique sera très tendue pour les pays pauvres", déplore-t-elle.
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