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Coronavirus : "La mortalité est beaucoup plus élevée que pour la grippe", déclare un infectiologue

Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Tenon (AP-HP), alerte sur "la mortalité et les formes sévères" du Covid-19 qui, explique-t-il, n'a rien à voir avec la grippe.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Tenon (photo d'illustration du 30 novembre 2006). (DAMIEN MEYER / AFP)

Emmanuel Macron a appelé à la responsabilité de tous les Français pour respecter les consignes qui sont données par les autorités pour enrayer l'épidémie de coronavirus. Le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon, à Paris, explique en quoi le Covid-19 n'a "rien à voir avec la grippe".

franceinfo : Est-ce qu'aujourd'hui on peut encore comparer le coronavirus à la grippe ?

Gilles Pialoux : Ça n'a rien à voir avec la grippe. Le seul point commun, c'est le côté saisonnier, c'est le mode de transmission commune. Mais ce n'est pas du tout la même maladie. D'abord, c'est une maladie qu'on ne connaît pas. L'organisme ne connaît pas le coronavirus et n'a pas d'immunité parce qu'on n'a pas eu d'épidémie. Il n'y a pas de vaccins qui ont préparé à tasser un peu l'infection. Et puis, on découvre au fur et à mesure le profil de cette maladie-là. Il y a la question de la mortalité et des formes sévères. La mortalité est beaucoup plus élevée. Je rappelle que pour la grippe, c'est un décès pour 2 000 cas. Là, on est au-dessus. [La grippe tue "1 patient infecté sur 1 000" (soit 0,1%), selon des estimations du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Le Covid-19 tue environ 3,5% des malades diagnostiqués, avec des disparités selon les pays. La France compte au 13 mars 61 décès sur 2876 cas confirmés, soit un taux de 2,12%]. La deuxième différence fondamentale, c'est la gravité qui n'attend pas 75 ans dans un certain nombre de cas non négligeables, même si évidemment, dans 80% ou 82% des cas, il y a des formes bénignes.

Le profil des malades contaminés a-t-il changé ?

C'est compliqué de répondre à cette question-là parce qu'on a nous-mêmes changé nos méthodes de diagnostic. C'est-à-dire que maintenant on diagnostique les gens qui sont hospitalisés, qui ont des signes pulmonaires, qui étaient déjà là depuis plusieurs jours avec des possibles contaminations du personnel, comme on l'a vu dans notre hôpital et dans d'autres.

Ce que disent les réanimateurs, c'est qu'on voit aussi des sujets jeunes qui sont en réanimation. Il faut être très clair.

Gilles Pialoux

à franceinfo

Tout le monde donc peut être touché ?

Pour deux raisons : la première, c'est ceux qui ne tiennent pas compte des campagnes qui sont faites actuellement et dont j'espère qu'elles resteront dans les esprits, des mesures barrières pour éviter la contamination, dont certaines ont été haussées par le président de la République. Et aussi, la façon d'être contaminée. C'est très différent de la grippe. Quand vous avez la grippe, vous avez 40 de fièvre, des frissons, mal dans les muscles, la tête dans le casque. Vous restez chez vous. Avec le coronavirus et ses formes peu symptomatiques, voire complètement asymptomatiques, notamment chez l'enfant, le virus circule sans qu'on ne s'en aperçoive, donc par définition c'est difficile de s'en prémunir.

Aujourd'hui, une personne de 30-40 ans, même sans antécédents médicaux, peut se retrouver en réanimation ?

La réponse est oui. Ce n'est pas pour faire peur aux gens. En fait, c'est une probabilité très faible, mais c'est une probabilité non nulle. Effectivement, toutes les réanimations, notamment en Île-de-France, mais aussi dans l'Est de la France, s'organisent pour pousser les murs. Vous l'avez vu, il y a une décision, hier, de diminuer de 50% les chirurgies programmées. On n'est pas du tout dans un scénario catastrophe. On est juste dans une gestion de crise.

Le nombre de personnes infectées en France est-il inquiétant ?

Il faut comprendre qu'en Chine, on ne sait pas si c'est parce qu'ils ont arrêté de compter que les chiffres sont moins spectaculaires. On ne dépiste plus en France, on ne dépiste plus tout le monde. Il faut bien que les gens comprennent. On dépiste les gens qui ont des signes qui vont faire qu'ils vont être hospitalisés. On dépiste les gens qui sont du personnel soignant parce qu'il faut protéger les personnels soignants pour qu'ils continuent à soigner. Et on dépiste les gens qui ont des facteurs de risque, donc qui peuvent être l'âge, effectivement, mais qui peuvent être aussi insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque. Donc, il y a plein de gens qu'on ne dépiste pas et qu'on renvoie chez eux avec une note explicative qui accompagne le retour à domicile avec les protections barrières : le fait de surveiller leur état respiratoire, etc.

Comme on ne dépiste pas, la comptabilité qu'on nous donne tous les jours en bandeau des chaînes de télé, a de moins en moins de valeur et je pense qu'il faut regarder les décès.

Gilles Pialoux

à franceinfo

La fermeture des établissements scolaires est-elle une bonne mesure ?

En tant que chef d'un service de 100 personnes, je pense qu'il y a deux tiers du personnel infirmier qui a des enfants en scolarité et en crèche. Donc, c'est une mesure que je comprends en tant que citoyen. Il faut bien prendre des mesures de temps en temps drastiques et le confinement en est une. Mais c'est une mesure dont on ne mesure pas, si je puis me permettre, l'impact sur les équipes de soins, c'est justement de ça dont on va parler dans nos cellules de crise aujourd'hui à l'hôpital.

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