"C'est difficile pour moi mais aussi pour les autres" : cinq mois après avoir contracté le coronavirus, Aurélie n'a toujours pas retrouvé le goût ni l'odorat
Sur les réseaux sociaux, de nombreux témoignages font état de symptômes persistants du coronavirus, plusieurs mois après l'apparition de la maladie. Nous avons rencontré Aurélie, qui n'a toujours pas retrouvé le goût ni l'odorat depuis cinq mois.
Assise à la terrasse d'un café parisien, Aurélie ne renonce pas aux bonnes vieilles habitudes. Elle commande un café crème, un croissant et un jus d'orange. Mais ce petit-déjeuner n'aura ni saveur ni odeur. La jeune femme de 33 ans a perdu le goût et l'odorat le 18 mars après avoir contracté une forme légère du coronavirus. Cinq mois sous cloche, coupée du monde extérieur et aussi coupée de soi.
"C'est de la flotte chaude"
Confinée à Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence) avec son copain et des ami(e)s, Aurélie présente d'abord des symptômes du coronavirus plutôt classiques, pendant deux semaines, avec des maux de tête, des nausées, de la fièvre, des courbatures et une grande fatigue. Le soir du 18 mars, au moment de dîner, la jeune femme ne sent rien : "Je goûte les lasagnes, que je trouve ignobles, et je les vois tous se resservir, comme si c'était délicieux", raconte Aurélie. Le dessert arrive mais la jeune femme n'en perçoit encore une fois ni la saveur ni l'odeur. "Je me dis qu'il y a un truc bizarre mais je passe l'éponge, je ne dis rien et j'attends", confie-t-elle. Sauf que le lendemain, au moment de boire son café, toujours rien, "c'est de la flotte chaude", se souvient Aurélie qui prend progressivement conscience du problème et en discute avec son copain.
Je ne sens plus l'odeur de mon copain ni de mes amis. Je ne reconnais plus personne.
Aurélie, atteinte par le coronavirusà franceinfo
Aurélie sent qu'elle est peu à peu coupée du monde et la peur commence à monter. Elle consulte un premier médecin, par visioconférence, qui ne sait pas vraiment quoi lui dire à part que les sens perdus devraient rapidement revenir. "Je commence à faire des recherches sur Facebook et je tombe sur un groupe privé. On était une cinquantaine au début et maintenant on est plus de 900", explique-t-elle. Aurélie lit alors d'autres témoignages et essaye de se rassurer : "Une femme racontait qu'elle venait d'accoucher mais qu'elle ne sentait pas l'odeur de son bébé. C'est horrible. Ça m'a fait relativiser", raconte-t-elle.
"Socialement c'est le plus difficile"
Une pizza qui brûle dans le four ou de la viande avariée dans son assiette, Aurélie réalise aussi qu'elle est en train de perdre une certaine autonomie : "On se rend compte qu'on devient dépendant des autres". Le plus difficile, c'est l'aspect social, raconte-t-elle. "Pendant un déjeuner entre amis ou en famille, on est sans cesse obligé de répéter qu'on ne sent rien. On se rend compte qu'on ne partage plus rien", regrette la jeune femme. "C'est difficile pour moi, mais aussi pour les autres, car ils se sentent coupables de mettre l'autre mal à l'aise", ajoute-t-elle.
Au-delà des plaisirs culinaires qu'elle ne vit plus de la même façon, ce sont aussi les odeurs corporelles des autres qui lui manquent, et la sienne. "C'est peut-être ça le pire dans le fond pour moi", confie-t-elle. "On ne sait plus si on sent bon ou pas. On n'est plus sûr de soi. On perd une grande partie de son assurance à ce niveau-là."
Je suis dans l'attente que ça revienne mais je me dis aussi que ça ne reviendra jamais. Si ça revient ça serait une surprise exceptionnelle.
Aurélie
Aurélie est loin d’être la seule touchée. La perte de l'odorat et du goût concerne environ sept malades du coronavirus sur 10, et 80% d’entre eux récupèrent en moins d'un mois. Pour les autres, des études sont en cours. Un premier traitement à base de lavage de nez à la cortisone avec de la rééducation olfactive est en train d’être testé.
Sur Twitter, les hashtags #aprèsJ20, #aprèsJ60, #aprèsJ150 rassemblent de plus en plus de témoignages d'internautes qui décrivent jour après jour l'évolution de leur état de santé.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.