Mal de mer : les nouveaux trucs pour y échapper exposés au Nautic de Paris
"Il existe trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ". Cette phrase attribuée à Aristote, on l'entend parfois dans les ports, mais sous une forme plus grinçante : les vivants, les morts et ceux qui sont malades en mer. Façon de décrire l'état semi-comateux de ceux qui sont sujets à ce fléau du marin : le mal de mer. Etat de faiblesse générale, tensions musculaires, nausées, léthargie, apathie, dépression, ces symptômes sont bien connus. Pour 95% de ceux qui y sont sujets, ils disparaissent au bout de quelques jours. C'est l'amarinage. Pour les autres, il peut conduire à des comportements violents et irrationnels. Le commandant de la frégate l'Hermione, Yann Cariou, en a été le témoin à bord d'un bâtiment de la Marine nationale qui traversait l'Atlantique : "C'était un mécanicien qui était vraiment très malade. Malheureusement, nous étions déjà partis de Brest vers Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous avons été obligés de l'enfermer pour ne pas qu'il se jette par dessus bord et puis il devenait agressif. Donc nous l'avons enfermé dans l'infirmerie. Il ne s'alimentait plus. A l'arrivée à Saint-Pierre-et-Miquelon, il est parti directement dans une ambulance à l'hôpital. Il n'a plus jamais remis les pieds sur un bateau ".
Nouvelles découvertes
Certains sont peu sujets à la naupathie, son nom scientifique, mais ils ne sont pas épargnés systématiquement. Même les marins les plus expérimentés peuvent en faire l'expérience, comme le skipper Armel Tripon, 4ème de la Route du Rhum sur For Humble Heroes : "La mer était très mauvaise. Il y avait une fuite de gasoil dans le bateau que j'ai essayé de résorber et puis il y avait beaucoup de stress avec le départ. Ca faisait plus de 10 ans que je n'avais pas été malade en mer. Mais tout le monde peut y être sujet. Il y en a pour qui c'est fréquent, à chaque début de course ".
Le mal de mer a beau accompagner l'homme depuis qu'il a inventé les bateaux, des études scientifiques sont toujours menées pour tenter de mieux comprendre ce phénomène complexe. Et les chercheurs sont loin de tomber d'accord car le phénomène est un cocktail ou causes et effets se mélangent : "On fait encore beaucoup de découvertes sur le mal de mer ", souligne Benoît Bardy, chercheur au laboratoire Euromov, à l'université Montpellier 1. "Il y a des théories multiples du mal de mer. Les gens ne sont pas d'accord sur les causes profondes. La théorie habituelle, c'est qu'il existe une discordance, un conflit entre nos sens ", développe-t-il.
"Ce n'est pas parce qu'on est malade qu'on est instable, mais parce qu'on est instable qu'on est malade"
Participant en 2013 à une étude franco-américaine au cours d'une croisière étudiante, il s'est forgé ses propres convictions : "Pour moi cette notion de conflit entre nos sens n'est que la conséquence d'un phénomène plus profond qui est ce phénomène de stabilité. Il y a des gens qui sont passivement dirigés par les mouvements du bateau et de la houle et puis il y a des gens qui sont capables de contrôler et d'anticiper. Et donc les gens qui sont naturellement instables, sont plus malades que les gens qui sont naturellement stables. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on est malade qu'on est instable, mais parce qu'on est instable qu'on est malade ". Bonne nouvelle pour ceux qui souffrent le martyr sur un pont de navire, on peut travailler sa stabilité, notamment en fixant l'horizon.
Cachets et patches de scopolamines : attention aux effets secondaires
Mais la méthode n'est pas suffisante et les marins, confirmés ou non, se retrouvent souvent dans les pharmacies. Bracelets d'acupuncture, pilules de gingembre, cachets au nom évocateur ou patches de scopolamine sur ordonnance, les produits sont bien connus. Les effets secondaires aussi : somnolence, troubles de la vision pour les patches. La prise de médicaments n'est pas innocente, mais elle permet de passer le cap, note Benoît Suply, médecin de réserve dans la Marine et souvent embarqué, notamment, lui aussi, à bord de l'Hermione : "Entre être complètement malade et complètement apathique à bords et être un petit peu somnolent, finalement le traitement permet quand même de passer le cap. Alors il y a des nouveaux traitements proposés en préventif, c'est la rééducation optocinétique. Ca permet à l'individu de développer son adaptation. On le stimule dans une cabine comme s'il était sur la mer. C'est une dizaine de séances qui sont proposées, plus ou moins renouvelables, et son organisme va s'habituer au mal de mer. C'est un entraînement avant l'embarquement ".
Les dernières recherches ont conduit à développer de nouveaux produits. Professionnel de l'optique, Hubert Jeannin a ainsi conçu, en 2011, des lunettes contre le mal de mer. Il en a déjà diffusé 7.000 paires et revendique un taux de réussite de 100%, à condition de ne prendre aucun médicament. Un liquide bleu se trouve emprisonné dans des anneaux autour des yeux et sur les branches : "Certains disent que ce n'est pas très esthétique mais on ne les porte que 12 minutes. Il s'agit de petits anneaux qui sont remplis d'un liquide coloré et dont on voit le mouvement lorsqu'on se déplace et c'est cette information que l'oeil envoie à l'oreille interne ". Les lunettes mettent ainsi l'oeil d'accord avec l'oreille interne et les symptômes sont censés disparaître.
La banane, arme ultime
Plus récemment encore, deux passionnés de navigation du Nord ont mis au point un sous-vêtement qui aide à atténuer les effets du mal de mer. Partis des recherches sur le maintient corporel, ils estiment que ce sont les muscles qui jouent un rôle déterminant : "On est en défaut de stabilité et de maintient musculaire avant d'être nauséeux. Donc une des façons d'apporter la stabilité et tonicité c'est de réchauffer les muscles avec un vêtement assez gaînant, près du corps". Et les retours de 18 mois de tests montreraient un effet positif à hauteur de 80% pour le mal de mer et 95% en voiture.
Si en plus des fameux "4 F" - faim, froid, frousse, fatigue - cet arsenal ne suffit pas, il reste l'arme ultime du marin : la banane. Nourrissante et énergétique, elle permet de ne pas trop s'affaiblir, en ayant le considérable avantage d'avoir le même goût dans les deux sens.
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