Le Champix, utilisé dans le sevrage tabagique mais suspecté de provoquer des idées suicidaires, ne sera plus remboursé
C'est ce qui a été annoncé le 31 mai, à l'occasion de la Journée mondiale sans tabac, par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand.
Champix (varénicline), commercialisé par Pfizer, figurait depuis le 11 mai 2007 sur la liste des médicaments d'aide au sevrage tabagique éligibles au remboursement forfaitaire annuel de 50 euros par la Sécurité sociale.
"Le Champix ne fera plus partie des médicaments remboursés pour arrêter de fumer", a déclaré le ministre sur France 2, expliquant qu'il n'avait "pas apporté la preuve d'une efficacité supplémentaire" par rapport aux substituts nicotiniques (patchs, gommes...). Et d'ajouter: "Il y a des questions qui sont posées sur le Champix, donc j'ai décidé qu'il ne serait plus pris en charge par l'assurance maladie".
L'Agence européenne du médicament et les agences nationales avaient mis en garde dès décembre 2007 "sur le risque de dépression, d'idées suicidaires ou de tentative de suicide survenant chez les personnes souhaitant arrêter de fumer avec Champix". Le médicament avait vu sa notice modifiée en conséquence en 2008.
Depuis son arrivée sur le marché en février 2007, au moment de l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, Champix a été prescrit à 1,4 million de patients, avait indiqué en janvier dernier l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Champix ne délivre pas de nicotine à l'organisme contrairement aux substituts nicotiniques. Il réduit la sensation de manque par action directe et sélective sur des récepteurs du cerveau, sur lesquels il se fixe à la place de la nicotine.
Aux Etats-Unis, des centaines de plaintes ont été déposées contre les effets secondaires de ce médicament, commercialisé outre-Atlantique sous le nom de Chantix.
Les tabacologues surpris
Les tabacologues, réunis le 31 mai dans les locaux du ministère de la Santé pour un colloque sur le tabagisme intitulé "Du contrôle à la prise en charge" ont souligné qu'"il n'existe pas aujourd'hui de preuve formelle que la prise de Champix augmente le risque suicidaire".
"C'est un médicament qui mérite une surveillance, qui doit être prescrit avec prudence, à des gens qui n'arrivent pas à s'arrêter autrement", a reconnu Anne Borgne, présidente du Respadd ( Réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions). "Mais il obtient des résultats très intéressants", a-t-elle assuré. Le Dr Borgne, qui exerce en Seine-Saint-Denis, craint que la décision de ne plus le rembourser "accentue les inégalités de santé en matière de tabagisme".
Bertrand Dautzenberg, président de l' Office français de prévention du tabagisme, a dit redouter que cette décision "fasse du mal à l'ensemble des traitements de sevrage tabagique".Selon lui, "elle sous-tend l'idée qu'arrêter de fumer est dangereux".
"La mesure a été influencée par l'affaire du Mediator", a estimé, pour sa part, le Pr Yves Martinet, président de l'Alliance contre le tabac. "Soit un médicament présente un risque supérieur à son bénéfice, et on l'interdit, soit on le rembourse", a-t-il ajouté.
"Je sais votre inquiétude", a tenté de rassurer la secrétaire d'Etat chargée de la Santé Nora Berra lors de son intervention au colloque. "Nous ferons tout pour que cette décision n'affecte pas l'image de l'ensemble des produits de sevrage tabagique", a-t-elle assuré.
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