L'Intersyndicale des psychiatres de secteur public (IPP) a réclamé le 9 juin "une loi de santé mentale non liberticide"
L'IPP (regroupant le SPH et l'Idepp, syndicats représentant 80% de la psychiatrie publique) dénonce une loi qui va faire basculer la psychiatrie dans le tout sécuritaire.
La ministre de la Santé Roselyne Bachelot a présenté le 5 mai un projet de loi réformant l'hospitalisation sans consentement, qui doit être débattu au Parlement à l'automne.
La réforme avait été souhaitée par le président Nicolas Sarkozy en 2008, après la mort, à Grenoble, d'un étudiant poignardé par un malade échappé de l'hôpital.
Ainsi, Jean-Claude Pénochet, président de l'IPP et du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) estime que "la psychiatrie est à un carrefour", entre la mise en place de la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) et la réforme des soins psychiatriques sans consentement (loi de 1990), dont "le projet de révision apparaît comme une occasion manquée de réviser le système."
Pour l'IPP, qui envisage "un boycott généralisé" à l'automne des structures où siègent ses membres, comme les Commissions médicales d'établissement, il faut ouvrir des "négociations immédiates" pour obtenir "une loi spécifique et sanitaire sur la psychiatrie"
Norbert Skurnik, secrétaire général de l'Idepp, s'interroge: "Verra-t-on imposer une loi sécuritaire alors que la psychiatrie est complètement désorganisée par la loi HPST ?" Et d'ajouter: "On n'a plus de place nulle part".
Quant à Denis Legay, vice-président du SPH, il estime "indispensable de redéfinir le champ de la psychiatrie dans la société". Selon lui, "c'est le soin qui prime, parce que c'est le soin qui fait la prévention".
Le Dr Pénochet, selon lequel "l'ordre public ne fait pas partie de la psychiatrie", a souligné que le projet de réforme permettra au préfet de maintenir hospitalisé - contre l'avis du médecin - un patient qu'il estime "porteur de troubles à l'ordre public". Mais si "effectivement, il y a quelques patients qui peuvent être dangereux au nom de l'ordre public", "ces patients contaminent le système qui bascule totalement dans le sécuritaire", a-t-il regretté.
"L'hôpital n'est pas un lieu de détention", a également martelé Alain Mercuel, président de l'Idepp. "Pour un Hannibal Lecter (le tueur cannibale du Silence des agneaux, ndlr), on va prendre des mesures applicables à tous les patients", a-t-il conclu.
Selon le Syndicat des Psychiatres d'Exercice Public (Ppep), la schizophrénie touche 1% de la population, soit 600.000 personnes en France et le caractère dangereux des malades mentaux est largement surévalué. Pour étayer cette opinion, il cite des statistiques de 2003, où sur 47.655 personnes mises en examen pour actes de délinquance (crimes ou délits), seulement 285 étaient déclarées irresponsables en raison d'une maladie mentale, soit 0,59 %. En revanche, la fréquence des crimes à l'encontre des malades mentaux est 11,8 fois plus importante que dans la population générale, tandis que celles des vols dont ils sont victimes est 140 fois plus élevée.
Modes d'hospitalisations en psychiatrie
Les différents modes d'hospitalisation en établissement psychiatrique vont de l'admission libre à l'hospitalisation d'office (HO) sans consentement du patient s'il représente un danger pour lui-même ou autrui.
L'hospitalisation d'office, d'après la loi du 27 juin 1990, modifiée par la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner relative aux droits des malades, a un objectif sanitaire et un autre sécuritaire (empêcher le patient de nuire). Elle est généralement prononcée par arrêté préfectoral au vu d'un certificat médical circonstancié précisant que les troubles mentaux du patient compromettent gravement la sûreté des personnes et l'ordre public.
Pour le patient refusant l'hospitalisation mais dont l'état impose des soins immédiats et une surveillance constante en milieu hospitalier, ou dont les troubles rendent impossible le consentement, il existe également l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT), famille, entourage, assistante sociale...), nécessitant deux certificats médicaux datant de moins de 15 jours.
L'HDT peut aussi être décidée en cas de "péril imminent", ou danger pour la santé (accès à des toxiques...) ou la vie (suicide) du patient refusant les soins, dûment constaté par un médecin. L'admission peut alors intervenir au vu d'un seul certificat (émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil).
Les Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) s'ajouteront à d'autres structures de prise en charge des détenus atteints de maladies psychiatriques telles que les Unités pour malades difficiles (UMD) et les Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (SPMP).
Les UHSA, "hôpitaux-prisons" créés par une loi de septembre 2002, dont la première unité a ouvert le 21 mai 2010 à Lyon, dépendront de l'administration pénitentiaire et accueilleront des personnes détenues, atteintes de troubles psychiatriques trop lourds pour être maintenues dans une structure pénitentiaire ordinaire. Neuf UHSA, qui devraient prendre en charge environ 600 détenus d'ici 2012, doivent être construits.
Les Unités pour malades difficiles, structures sécurisées implantées dans des centres hospitaliers spécialisés, accueillent des malades issus du milieu hospitalier - qui ne peuvent plus les garder du fait de leur violence - ou du milieu carcéral. Les UMD, qui dépendent du ministère de la Santé, prennent également en charge des malades ayant eu affaire au système judiciaire mais déclarés pénalement irresponsables. Il existe cinq UMD en France, d'une capacité globale d'environ 500 lits.
Depuis 1986, lorsque les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire ont été confiés au service public hospitalier, chaque région pénitentiaire a été dotée d'un ou plusieurs Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (SPMP). Ils comprennent notamment un "service médico-psychologique régional", service de consultations ambulatoires implanté dans la prison. Il existe par ailleurs à Fresnes, dans le Val-de-Marne, un Centre socio-médico-judiciaire de sûreté, créé par la loi du 25 février 2008 et chargé d'accueillir les condamnés placés en rétention de sûreté à la fin de leur peine. Personne n'y est pour le moment retenu.
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