Hyperactivité : "Beaucoup trop d'enfants prennent de la ritaline sans qu'il y ait d'effets positifs"
La Haute autorité de santé a dévoilé ses préconisations, jeudi, pour mieux dépister les enfants souffrant de troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Comment les reconnaître ? Quel est le bon traitement ? Le pédopsychiatre Stéphane Clerget fait le point pour francetv info.
Que faire avec un enfant qui ne tient pas en place, est incapable de se concentrer et qui finit par épuiser son entourage ? La Haute autorité de santé (HAS) a publié, pour la première fois, jeudi 12 février, ses recommandations sur la prise en charge des troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Parfois difficile à repérer ou sur-diagnostiqué, le TDAH se présente sous différentes formes. Un enfant qui s'agite n'est pas forcément concerné. A l'inverse, un hyperactif ne fait parfois preuve d'aucun signe d'hyperactivité... Alors comment savoir si un enfant est concerné ? Comment le soigner ? Francetv info fait le point avec le pédopsychiatre, Stéphane Clerget, auteur de Nos garçons en danger ! (Ed. Flammarion).
Francetv info : Quels sont les signes qui doivent alerter les parents sur un possible trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité chez l'enfant ?
Stéphane Clerget : La difficulté d'attention est un élément constitutif de l'hyperactivité, qui s'accompagne, ou non, d'agitation. Lorsque le TDAH n'est pas accompagné d'agitation, il est plus difficile à repérer. Mais certains signes sont révélateurs. Un enfant rêveur, qui n'écoute pas ce qu'on lui dit, qui ne respecte pas les consignes données, qui perd souvent ses affaires, ou qui a du mal à se concentrer sur une tâche ou un jeu plus de quelques minutes, doit consulter si ces comportements persistent.
Si le TDAH est accompagné d'agitation, il est plus facilement repérable et donc pris en charge, car il est très pénible pour l'entourage. L'enfant présente une agitation motrice incontrôlée, il bouge tout le temps, sans but et tombe régulièrement. Souvent, l'hyperactivité est accompagnée d'impulsivité verbale ou motrice. L'enfant n'apprend pas de ses erreurs et les punitions ou les récompenses n'ont aucun effet. Dans ce cas-là, la règle est simple : si les parents sont inquiets, ils doivent consulter.
Comment être sûr qu'il s'agit de TDAH ?
Dans tous les cas, le diagnostic ne peut être posé que par un médecin spécialiste. Et plusieurs consultations sont nécessaires pour pouvoir différencier le TDAH d'autres réactions liées à des événements exceptionnels comme, par exemple, un divorce, un décès ou un déménagement. Dans ce dernier cas, les symptômes s'estompent au bout de quelque temps. Il est important aussi de différencier le TDAH de pathologies comme la dépression ou l'anxiété, qui peuvent présenter les mêmes symptômes.
Pour poser un diagnostic de TDAH, ces troubles doivent se répéter quotidiennement et avoir un fort retentissement dans la vie de l'enfant, que ce soit à l'école, chez les parents ou la grand-mère, lors du sport... Si les symptômes surviennent une fois de temps en temps, dans un contexte particulier, on ne peut pas parler de TDAH. Il s'agit plutôt de troubles réactionnels liés à des causes sous-jacentes.
Quelles peuvent être ses conséquences sur la vie de l'enfant ?
Si l'enfant n'est pas pris en charge, il pâtira d'un retard au niveau de l'apprentissage. Ce sont des jeunes qui ne sont pas concentrés en cours et qui n'auront que la moitié des acquis par rapport aux autres élèves à la fin de l'année scolaire.
Socialement, les enfants atteints de TDAH ont peu d'amis, car les autres gamins ont du mal à les supporter. Ils ne peuvent pas jouer comme les autres ou se concentrer suffisamment sur la durée pour finir une partie. Leur impulsivité peut aussi déclencher des bagarres. Souvent, l'entourage proche finit par ne plus supporter l'enfant qui peut se sentir rejeté par tout le monde et tomber, ainsi, dans la dépression.
Comment soigne-t-on le TDAH?
Le pédopsychiatre doit, dans un premier temps, rechercher les causes du TDAH. C'est un vrai travail d'enquête, où le parcours de l'enfant doit être reconstruit avec les parents pour remonter aux causes profondes de la pathologie. Puis, il faut une prise en charge pédo-éducative des proches pour leur expliquer les attitudes à adopter afin d'atténuer les symptômes. Enfin, l'enfant doit être pris en charge avec des techniques cognitivo-comportementales qui lui permettront de développer son attention, de se concentrer et de gérer son impulsivité et son agitation. C'est l'étape où l'on travaille sur les symptômes.
Si l'enfant présente des troubles trop importants ou si l'accompagnement habituel ne suffit pas, le médecin spécialiste peut prescrire de la ritaline, un médicament utilisé pour améliorer la concentration. Ce traitement a une réelle efficacité et entraîne généralement un véritable soulagement chez les parents et l'enfant qui retrouve son calme en classe, obtient de meilleures notes, et reprend un apprentissage et une vie normale.
Mais la ritaline ne doit être prescrite qu'en dernier recours, lorsque la situation devient insoutenable pour l'enfant et ses parents. Dans ce cas-là, elle est administrée durant la période scolaire tout en observant une pause les week-ends et pendant les vacances. Et si ce traitement n'a aucun effet au bout d'un mois, il faut immédiatement le stopper. Beaucoup trop d'enfants prennent de la ritaline sans qu'il y ait d'effets positifs. Certaines écoles se permettent même de conseiller ce traitement aux parents quand leurs enfants s'agitent un peu trop. C'est inadmissible.
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