A 11 ans, privée du droit d'avorter, elle subit une césarienne
Lucia a seulement 11 ans, mais elle a déjà subi une césarienne. Cette fillette argentine est violée par un homme de 65 ans, le mari de sa grand-mère. Elle tombe enceinte et dépose une plainte auprès de la justice de la province de Tucuman pour obtenir l’autorisation d’avorter. "Je veux que vous m'enleviez ce que le vieux m'a mis dans le ventre" y écrit-elle.
Objection de conscience
Mais la procédure s’éternise pendant sept semaines, les médecins invoquant l’objection de conscience, un refus de soins ou d’actes médicaux s’ils sont jugés contraires à des convictions personnelles.
En Argentine, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) reste en effet très limité : sur le papier, il est interdit sauf en cas de viol ou si la grossesse présente un danger pour la santé de la femme enceinte. Mais dans les faits, il est fréquent en Argentine que les autorités fassent traîner les dossiers jusqu'à ce que l'avancement dans la grossesse soit tel qu'il rende impossible un avortement.
"Son corps n’était pas suffisamment développé pour supporter une grossesse"
A 23 semaines de grossesse, les médecins en charge du cas de Lucia se prononcent enfin… mais pas pour un avortement. Ils jugent que la fillette est en danger et qu'il faut donc pratiquer une césarienne.
"Par voie basse, ce n'était pas possible. Son corps n'est pas suffisamment développé pour (supporter) une grossesse de 23 semaines, et s'il l'avait été, les conditions psychologiques n'étaient pas réunies, du fait des nombreux abus qu'elle a subis", selon la gynécologue, Cecilia Ousset, qui a participé à l'intervention à l'hôpital Eva Peron de Tucuman, citée par l’AFP.
Le fœtus de cinq mois est extrait vivant du ventre de sa mère, mais les médecins ont estimé que ses chances de survie étaient quasi-nulles.
450 000 avortent clandestinement en Argentine chaque année
Ici, "la volonté de l'enfant aurait dû être prise en compte. Il y avait deux raisons (pour autoriser) l'avortement", a regretté l'avocate de la famille, Cecilia De Bono : le viol et le risque pour la santé de la jeune fille.
L’organisation féministe argentine #NiUnaMenos (Pas Une de Moins), très engagée pour le droit à l’avortement, a de son côté dénoncé : "L'Etat est responsable de la torture de Lucia". En 2018, un projet de loi octroyant le droit à l'avortement jusqu'à la 14e semaine a été adopté à la chambre des députés, mais finalement rejeté par le sénat, sous la pression de l'Eglise.
Selon Amnesty International Argentine, 450 000 femmes avortent clandestinement dans le pays chaque année, dans des conditions dramatiques pour leur santé. Entre 2010 et 2015, près de 20% des décès maternels sont dus à des avortements non médicalisés et 25% des décès provoqués par ces avortements clandestins touchent des femmes de moins de 25 ans.
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