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En Chine, des bactéries résistantes aux antibiotiques donnés "en dernier recours"

Des chercheurs chinois ont identifié, chez le porc et chez l'homme, des populations de bactéries porteuses d'un gène qui rend inefficace certains antibiotiques donnés "en dernier recours". La découverte, publiée ce 19 novembre dans The Lancet Infectious Diseases, alimente de nombreuses craintes.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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Les polymyxines (colistine et polymyxine) sont de puissants antibiotiques principalement utilisés en réanimation et pour enrayer des infections graves, résistantes aux autres traitements. En Chine, l'un des plus gros producteurs de colistine, ces antibiotiques sont surtout utilisés en médecine vétérinaire.

En effectuant un contrôle de routine sur des porcs, l'équipe du professeur Jian-Hua Liu, de l'Université agricole de Canton, a identifié une souche de E. coli (ou colibacille) résistante à la colistine "chez un cinquième des animaux testés" (804 bêtes, les échantillons étant recueillis entre avril 2011 et novembre 2014).

Or, la souche bactérienne identifiée (SHP45) peut facilement partager son matériel génétique avec d'autres bactéries, telles que Klebsiella pneumoniae, responsable d'infections pulmonaires.

Les analyses ont révélé que la résistance à la colistine s'expliquait par une mutation du gène "mcr-1". Des expériences en laboratoire ont confirmé que mcr-1 pouvait bel et bien être se transférer spontanément d'E. coli à Klebsiella pneumoniae.

Des E. coli porteuses du gène de résistance ont été retrouvées "sur 78 des 523 échantillons de viande crue collectés dans le pays entre 2011 et 2014", alertent les chercheurs.

Au cours d'une dernière évaluation, réalisée sur 1.322 patients hospitalisés dans le sud de la Chine, 16 patients étaient infectés par des bactéries porteuses de la mutation.

Un risque de propagation

Bien que limitée pour l'instant à la Chine, la résistance à la colistine pourrait se développer à l'échelle mondiale, alertent les auteurs de l'étude. Cette mise en garde a été jugée très crédible par de nombreux experts.

"C'est une étude très inquiétante dans la mesure ou les polymyxines sont des antibiotiques qui sont souvent donnés en dernier ressort pour traiter des infections graves", a déclaré Laura Piddock, un professeur de microbiologie à l'Université de Birmingham (Royaume-Uni).

Pour le Pr Nigel Brown de la société britannique de microbiologie, "maintenant qu'il a été démontré que [cette] résistance peut se transférer d'une bactérie à une autre, une autre ligne de défense contre l'infection est en passe de tomber".

Les élevages pointés du doigt

Cette annonce survient durant la "première semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques" coordonnée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce 16 novembre à Genève, le Dr Margaret Chan, directrice générale de l'OMS, avait rappelé que la résistance aux antibiotiques atteignait désormais "des niveaux dangereusement élevés dans toutes les parties du monde" et constituait "un immense danger pour la santé mondiale".

"Les super-bactéries hantent les hôpitaux et les unités de soins intensifs du monde entier", avait-elle ajouté, avant de souligner que ce fléau est lié à la surconsommation et à la mauvaise utilisation des antibiotiques.

Leur utilisation massive dans les élevages a été dénoncée à de nombreuses reprises ces dernières années, conduisant certains pays à prendre des mesures destinées à en restreindre l'usage.

Les auteurs de l'étude chinoise notent pour leur part que la résistance à la colistine s'est "probablement" produite d'abord chez l'animal, et réclament en conséquence une "réévaluation rapide" de l'utilisation de cet antibiotique dans les élevages.

"Une des rares solutions pour éviter ces liens est la réduction ou la cessation de l'utilisation de la colistine dans l'agriculture", relèvent de leur côté David Paterson et Patricia Harris, deux chercheurs australiens dans un commentaire joint à l'étude. 

En Europe, la colistine est surtout vendue dans trois pays, l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie, note pour sa part le Dr David Burch, un chirurgien vétérinaire britannique membre de l'Alliance Ruma (qui défend une utilisation responsables des médicaments dans l'agriculture). Il estime "[qu'il] faudrait surveiller les données de ces pays pour voir si la situation a changé de façon spectaculaire ces dernières années, avant de prendre des mesures radicales pour restreindre son usage en médecine vétérinaire".

Source : Emergence of plasmid-mediated colistin resistance mechanism MCR-1 in animals and human beings in China: a microbiological and molecular biological study. Yi-Yun Liu et al. Lancet Infectious Diseases, 19 nov. 2015. doi:10.1016/S1473-3099(15)00424-7

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