Alcool et grossesse : un cocktail délétère
Pendant la grossesse, l’alcool traverse facilement le placenta, ce qui peut entraîner des malformations notamment du cerveau. Les conséquences sont multiples : retards intellectuels, problèmes de comportement, d’apprentissage… Les explications du Dr Denis Lamblin, président de l’association SAF (syndrome d’alcoolisation fœtale) France.
- Comment savoir si un enfant est atteint du syndrome d’alcoolisation fœtale ?
Dr Denis Lamblin : "C’est assez facile pour les formes les plus graves, liées à une consommation importante. C’est un ensemble de signes qui vont d’atteintes de la croissance avec des petits poids, des petites tailles, des petits cerveaux… L’alcool est un tératogène. Il provoque des malformations et diminue le nombre de cellules. Un enfant, qui a ces signes-là, va avoir d’énormes difficultés à se développer comme tous les autres enfants. Mais, la plupart des femmes ont eu des consommations dites « modérées », à des moments précis de la grossesse ou continuellement. Pour leurs enfants, ça va s’exprimer souvent à rebond. Ils vont passer les premières années sans encombre et, quand ils vont commencer en crèche ou à l’école, ça va être difficile. En fait, tous les dys, les troubles de l’apprentissage, peuvent être dûs à ce problème."
- Quel organe est particulièrement sensible à l’alcool ?
Dr Denis Lamblin : "C’est le cerveau des enfants, qui est sensible pendant toute la grossesse, qui est impacté. Ce cerveau, qui est très immature, va exprimer au fil de la vie de la personne un certain nombre de troubles. Ça va même jusqu’à des pathologies psychiatriques, des troubles du spectre autistique, des apprentissages, des troubles du comportement… En fait la partie du cerveau qui est la plus atteinte, c’est la partie antérieure qui est responsable de notre capacité de nous contrôler, de comprendre les règles sociales. Donc, ce n’est pas le QI qui est le plus souvent impacté. C’est donc des enfants qui à l’école ne vont pas pouvoir se comporter comme tous les autres enfants. Ils n’auront pas la capacité d’attention, le système de l’empathie pour comprendre ce que l’autre ressent. Ils vont être en difficulté pour s’insérer dans la classe, puis pour apprendre, puis pour se comporter dans la société car ils ne comprennent pas les règles."
- Les femmes sont-elles conscientes du danger de l'alcool pendant la grossesse ?
Dr Denis Lamblin : "Je pense qu’elles en ont conscience mais certaines n’ont pas toutes les informations. En France, on a encore beaucoup de retard par exemple sur le Canada. Ce pays a des centres spécialisés, des centres ressources parce qu’ils savent très bien que ce sont des milliers d’enfants qui sont concernés. En France, c’est 8000 enfants par an, soit un toutes les heures. Pourtant, il n’y a pas de centre spécialisé pour faire le diagnostic. Il y a encore un tabou qui empêche les femmes d’accéder à des soins pour elles et donc automatiquement cela impacte leur enfant quand elles sont enceintes."
- Les 8 et 9 septembre 2017, vous organisez le Safthon, une opération pour récolter des fonds pour les familles et pour la recherche. Quels sont les besoins ?
Dr D. Lamblin : "Les besoins sont immenses. Le coût des conséquences pour la France est estimé à 10 milliards d’euros chaque année. Ce n’est pas seulement la santé qui est impactée, ce sont aussi les capacités pédagogiques… L’école doit payer pour ces enfants des classes spécialisées."
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