: Reportage Dans les coulisses de l'étonnant "Media Lab" du MIT de Boston, où "toutes les idées sont bonnes à prendre"
Sur ce campus de Boston, le but affiché depuis 40 ans est d'inventer un "meilleur futur". Mélange de physiciens, d'ingénieurs informatiques, d'artistes aussi, qui collaborent ensemble et bouillonnent de créativité, le laboratoire a donné naissance à des inventions sérieuses, mais aussi parfois farfelues, comme le concept de "Guitar Hero", jeu vidéo de simulation de guitare. Visite guidée.
Son nom ne vous dit sans doute pas grand chose. Mais les innovations qui y sont nées beaucoup plus. C'est au Media Lab qu'a, par exemple, été inventée l'encre utilisée dans les liseuses électroniques, mais aussi des dizaine de robots, un karaoké qui met à jour les nouvelles chansons, le jeu vidéo Guitar Hero ou encore l'ancêtre de Google Maps et de Google Street View.
franceinfo a pu visiter ce mythique laboratoire américain du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston, aux États-Unis, où travaillent plusieurs centaines de scientifiques venus du monde entier et triés sur le volet... qui s'exercent sur des Lego. "On adore jouer ! Bon, ce sont des jeux sur des sujets très sérieux. Mais si vous ne vous amusez pas dans votre travail, vous donnerez pas le meilleur de vous", sourit Kent Larson, qui dirige le laboratoire dédié à "la ville de demain", où sont fabriqués des maquettes avec les fameuses briques ludiques.
Ici, par exemple, un modèle réduit de la ville d'Andorre-la-Vieille, sur laquelle ont travaillé Kent Larson et Luis Alonso, un architecte espagnol. "Les petits points lumineux projetés sur la maquette et qui se déplacent, ce sont les gens. Les points bleus, les Français, les points orange, les Espagnols, les autres sont blancs. On connaît leurs déplacements grâce aux données télécoms", décrit le spécialiste. Arnaud Grignard, chercheur en informatique à l'université de Lyon I et également chercheur associé au MIT Media Lab, précise : "La problèmatique d'Andorre est 'On a de la data, on des touristes, comment est-ce qu'on peut, dans un premier temps, comprendre le comportements de ces derniers ?'" "On regarde ici le tourisme, la pollution... Cette maquette permet d'aider le gouvernement d'Andorre à comprendre quel est l'impact du tourisme sur la mobilité", renchérit l'architecte.
"Parfois, on voit des étudiants passer la nuit entière à peindre des pièces"
Au Media Lab, on le comprend, la science n'est pas seulement théorique. Dans ce grand immeuble aux cloisons vitrées, à côté de la table de ping-pong et au milieu du bazar des imprimantes 3D et des fers à souder, on fabrique, on expérimente, explique Arnaud Grignard, et Kent Larsson. "Si je dis à Luis que son idée est nulle, il va me dire 'vas-y, prouve-le !' Là, plutôt que de se disputer, grâce aux données avec cette maquette, je vais pouvoir lui montrer que j'ai raison", glisse, facétieux, le directeur. "On fabrique beaucoup ! Je me suis retrouvé à faire beaucoup moins de programmation et beaucoup plus de choses manuelles. C'est vraiment le concept : avoir une sorte de boîte à outils qui permet de trouver le tournevis, la vis qu'il faut. Parfois, on voit des étudiants passer la nuit entière à peindre des pièces. Il y a accès à tout ce qu'il faut pour prototyper des objets physiques", assure-t-il.
Le Media Lab est souvent considéré dans le monde comme un "ovni" scientifique. Les chercheurs planchent sur des inventions dans lesquelles personne ne s'était jusqu'ici lancé. Et tous viennent d'horizons divers, de disciplines diverses. "C'est un endroit magique. Dans ce labo, on a des collègues qui sont architectes, urbanistes, informaticiens, ingénieurs en mécanique ou en électricité, psychologues, mathématiciens... Et la magie opère quand ces gens travaillent ensemble, mais aussi quand ils pensent en dehors de leur champ de compétence. Par exemple, un architecte qui va dessiner des capteurs ou un outil de visualisation de données va y appliquer sa sensibilité d'architecte", assure Kent Larson.
Si ce laboratoire est dédié à l'urbanisme, en tout, au Media Lab, il existe 21 autres groupes de chercheurs constitués autour d'un thème, à chaque fois. Le Français Cédric Honnet, lui, est par exemple spécialisé dans les interactions humain-machine et cherche à inventer des textiles intelligents. "Le groupe Affective computing mélange intelligence artificielle et médecine pour explorer un certain nombre de problèmes comme le stress. Un autre groupe explore, lui, des problématiques médicales. Les questions évoquées vont de l'ordre microscopique, pour observer des neurones par exemple, à la psychologie, la chimie, la physique, la biologie, l'électronique..."; détaille-t-il.
"On essaye, et si on échoue, au moins, ça permettra de progresser"
Et face aux dizaines de créations qui ont trouvé une utilité dans la vie quotidienne de millions de personnes, la leçon est claire : toutes les idées sont bonnes à prendre. "Je viens d'Espagne, et ici au Media Lab, la culture est complètement différente. Toutes les idées sont bonnes. En Espagne, quand vous avez une idée, on vous dit 'ha, ok...' Ici, on vous dit tout de suite : 'Ok ! Quelle est l'étape suivante ? Comment on fait ?' C'est la philosophie du Media Lab : on essaye. Et puis si on échoue, au moins, ça permettra de progresser", certifie Luis Alonso, architecte.
Le financement du Media Lab est assuré par des entreprises, souvent des multinationales, "Il y a quelques dizaines d'entreprises qui finance le labo. Chacune paie l'équivalent des coûts de deux ou trois étudiants, comme par exemple Panasonic ou Samsung. En échange, elles ont toutes accès aux propriétés intellectuelles développées par tous les groupes", explique ainsi Cédric Honnet. Et elles peuvent donc commercialiser ces idées. Les recherches du Media Lab du MIT génèrent, chaque année, environ 20 nouveaux brevets.
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