Essai thérapeutique à Rennes : les hypothèses du drame
Trois enquêtes sont en cours pour tenter de comprendre pourquoi l'essai clinique a mal tourné : une par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), une par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et une pour homicide involontaire par le parquet de Paris.
L'accident dans le cadre d'un essai clinique est rarissime. Le Pr Alain Astier, chef du service de pharmacie de l'hôpital Henri-Mondor (AP-HP), est bien placé pour le savoir, car il en dirige plus de 400 chaque année. Avec lui, nous allons tenter d'explorer les différentes hypothèses.
Hypothèse n° 1 : l'effet secondaire inattendu
Les patients souffrent de troubles neurologiques. Cela peut surprendre pour un médicament visant à lutter contre la douleur. Mais la molécule testée agit sur des sécrétions propres au cerveau, les cannabinoïdes endogènes. Un mécanisme qui n'a pas toujours fait ses preuves.
"C’est un mécanisme d’action nouveau qui avait déjà cherché à être développé avec un produit qui a été retiré du marché, le rimonabant. C’est un produit qui avait été proposé pour réduire la suggestion à la cigarette. Il a été retiré au bout de quatre mois parce qu’il était toxique. C’est un produit qui agit sur la même voie", explique le Pr Alain Astier.
Hypothèse n°2 : un effet dose insoupçonné
En phase 1, l'objectif est d'évaluer le comportement de la molécule dans l'organisme. Les doses sont alors augmentées pas à pas, en fonction de sa tolérance par le patient. En général, les effets secondaires sont proportionnels à la dose absorbée.
"Pour une dose donnée, vous avez un petit effet qui apparaît. Après, vous augmentez la dose, les effets augmentent, etc. D’après ce qu’on sait, là, il n’y a pas eu d’effet du tout aux doses les plus faibles, c'est ce qu’on appelle un « effet seuil », et brutalement une forte augmentation. C’est un peu étrange, ça peut apparaître c’est vrai, mais ça reste étrange."
Hypothèse n° 3 : le relargage brutal dans l’organisme
Tous les jours, les patients ont absorbé la molécule. Le produit s’accumule dans le sang et peut être stocké dans des parties du corps, comme la graisse par exemple. Mais quand les stocks sont pleins, la molécule peut être relarguée brutalement dans le corps et provoquer ainsi une sorte de surdosage. Des analyses sanguines sont en cours pour évaluer cette possibilité.
Hypothèse n° 4 : le défaut de fabrication
C'est l'hypothèse la plus envisageable. En phase de test, la toute nouvelle molécule est fabriquée en petite quantité. Même si cette fabrication reste très contrôlée, une erreur humaine peut survenir.
"Il est possible que le laboratoire promoteur ait fourni un médicament trop dosé, par exemple, ou dans lequel il y ait quelque chose de particulier. On pourrait imaginer qu’il y ait quelque chose dedans comme une impureté, qui pourrait être responsable [d'effets secondaires graves] et que n’auraient pas reçu les autres patients", ajoute le Pr Alain Astier.
Le produit administré aux victimes est en cours d'analyse. Toutes ces hypothèses sont étudiées pour tenter d'élucider ce mystère.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.