Des associations de patients défendent l'expérimentation animale
Régulièrement pointés du doigt par les associations de défense des animaux, les chercheurs contre-attaquent. Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, neuf associations réclament une meilleure information du public sur l'importance de l'expérimentation animale. Parmi les signataires, France Alzheimer, l’AFM-Téléthon, Sidaction, l'Association française des hémophiles… Entretien avec le Pr Marc Peschanski, directeur scientifique de l'I-Stem (Institut des Cellules Souches pour le Traitement et l'Etude des maladies Monogéniques).
- Pourquoi tester les médicaments sur l'animal avant de le faire sur l'homme ?
Pr M. Peschanski : "Prenez un cachet d'aspirine. Vous le prenez parce que vous avez mal à la tête. Mais, ce cachet peut avoir d'autres effets. Il risque de faire saigner l'estomac. Il va fluidifier le sang. Si vous avez de la fièvre, elle va baisser. Tout ça vous ne pouvez pas le savoir, si vous n'essayez pas ce médicament dans un organisme qui ressemble à un organisme humain. Ou alors, il faut le tester directement sur l'être humain. Mais là, on est tous d'accord qu'on ne le fera pas. Ça a été formellement interdit par ce qu'on appelle le code de Nuremberg qui est la base de la bioéthique. Ce texte extraordinaire a été fait à la suite du jugement de 1947 contre les médecins nazis qui avaient fait des expérimentations sur l'homme."
- Quels sont les animaux les plus utilisés dans les laboratoires ?
Pr M. Peschanski : "Les animaux les plus utilisés sont les souris et les rats. C'est vraiment les animaux chez lesquels on arrive à avoir des retours d'information les plus proches de nous. Ce ne sont pas des espèces menacées. Nous n'avons pas tous pour ces animaux une empathie comme pour les chiens, les chats, les singes… Même si les souris et les rats ne sont pas des choses, ce sont des animaux qui sont un peu plus loin que nous. En même temps, on a besoin aussi de passer sur des espèces qui sont plus proches de nous, lorsqu'on s'approche vraiment de l'homme. Par exemple, avant de traiter le premier bébé atteint de myopathie myotubulaire par thérapie génique, les chercheurs de Généthon l'ont testée d'abord chez le chien. On imagine mal comment on pourrait nous demander de tester directement sur le bébé une thérapeutique innovante."
- Les animaux souffrent-ils ?
Pr M. Peschanski : "Faire souffrir les animaux, c'est vraiment le contraire de ce que nous devons faire. Evidemment, nous ne voulons pas faire souffrir les animaux. On nous accuse même de les torturer. C'est le genre de chose absurde qu'on entend. Ce n'est certainement pas un plaisir pour qui que ce soit. Mais, en plus, nous, les scientifiques, avons besoin que ces animaux se sentent le mieux possible pour pouvoir explorer leur réponse, pour pouvoir étudier valablement les situations que nous allons retrouver chez nos malades. Si un animal est stressé, il va modifier ses réponses. Il faut au contraire bien l'entretenir. Il y a quelques années, des gendarmes sont venus dans mon laboratoire parce qu'on avait été dénoncé pour faire du mal à des animaux. On leur a fait visiter nos animaleries. Et, à la fin, un gendarme s'est penché vers moi pour me dire "vous savez je connais bien des hommes qui aimeraient qu'on s'occupe d'eux de cette façon-là". "
- Existe-t-il des modèles de recherche alternatifs ? Dans le futur, pourra-t-on espérer se passer un jour de ces expérimentations animales ?
Pr M. Peschanski : "Se passer non, diminuer oui. C'est même notre objectif. Jusqu'à l'année dernière, j'étais le coordinateur d'un très gros réseau européen de recherche dans lequel nous avons essayé et réussi en partie à mettre au point des techniques sur des cellules pour identifier la toxicité des médicaments. On a travaillé, par exemple, sur la toxicité des statines ou sur les toxicités hépatiques du paracétamol. Ce sont des dangers qu'on connaît bien. On a montré en même temps les capacités et les limites de cette technique. Nous avons un estomac, un intestin, un foie, des reins, une circulation sanguine… Travailler sur des cellules, c'est faire abstraction de tout ça. Lorsqu'on prend un médicament, on ne peut pas faire abstraction de la façon dont il est administré, dont il est métabolisé, dont il est éliminé… Tout cela fait partie de l’action du médicament et de ses risques."
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