Dans la nuit de mardi à mercredi, les sénateurs ont voté contre la légalisation de l'euthanasie, à 170 voix contre 142
La veille du débat, le Premier ministre François Fillon s'était opposé à l'euthanasie, invitant de facto sa majorité au Sénat à en faire de même.
Du coup, une majorité de sénateurs ont supprimé l'ensemble des articles du texte trans-partisan présenté par leurs collègues Jean-Pierre Godefroy (PS), Alain Fouché (UMP) et Guy Fischer (PCF).
L'essentiel de la proposition de loi tenait dans son article premier, supprimé: "Toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier (...) d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur."
Dans l'hémicycle, définition du Larousse à l'appui, le ministre de la Santé Xavier Bertrand a parlé "d'euthanasie ", qui "va à l'encontre de nos fondements juridiques". Il a mentionné "les malades d'Alzheimer qui ne pourraient plus exprimer leur volonté libre et éclairée". Saluant "un débat pas comme les autres", il a plaidé pour le développement des soins palliatifs.
Plus tôt mardi, un amendement adopté en commission des Affaires sociales du Sénat avait vidé de sa substance le texte sur l'euthanasie. Cette même commission avait voté une proposition de loi sur l'euthanasie la semaine passée.
Durant les débats mardi soir, des orateurs ont fait référence à Vincent Humbert, jeune tétraplégique que sa mère avait aidé à mourir en 2003. "Parce que je ne veux plus vivre des situations comme cela, je veux une loi pour que la société vienne en assistance à la personne qui en a fait la demande (ndr: de mourir)", a déclaré le rapporteur Jean-Pierre Godefroy (PS). "Ne vous arrogez pas le droit de décider à la place de ceux qui, lucidement, ont choisi le moment de mettre fin à leur souffrance. Ne leur volez pas leur ultime liberté", a plaidé la centriste Muguette Dini, présidente de la commission des Affaires sociales, mais qui parlait en son nom propre.
Lundi, le gouvernement, par les voix de son Premier ministre François Fillon et de son ministre de la Santé Xavier Bertrand, s'était dit opposé à la légalisation de l'euthanasie.
Le texte, adopté le 18 janvier par la commission des Affaires sociales du Sénat (25 voix pour, 19 contre et 2 abstentions), était né de la fusion de trois propositions de loi issues de trois groupes politiques différents (Parti socialiste, UMP et Parti communiste-Parti de gauche) déposées ces deux dernières années.
Son article premier, supprimé mardi matin par la commission des Affaires sociales du Sénat, stipulait qu'une personne majeure "en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier (...) d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur".
Fillon opposé à une légalisation de l'euthanasie
Le Premier ministre s'oppose, dans une tribune au Monde daté de mardi, à la légalisation de l'euthanasie, en défendant le "développement des soins palliatifs" et le "refus de l'acharnement thérapeutique". Pour François Fillon, selon qui dans ce débat "aucune conviction n'est indigne", "la question est de savoir si la société est en mesure de légiférer pour s'accorder le droit de donner la mort. J'estime que cette limite ne doit pas être franchie". Mais, poursuit-il, ce débat "doit être abordé en tenant compte des efforts entrepris" depuis 2008 lorsque Nicolas Sarkozy "a fait de la prise en charge des personnes en fin de vie une priorité absolue".
Cela a abouti au "passage en quatre ans de 100.000 à 200.000 du nombre de patients en fin de vie pris en charge et la création de 1.200 nouveaux lits de soins palliatifs dans les hôpitaux". François Fillon assure aussi que les recommandations du député Jean Leonetti, auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, dans son rapport de décembre 2008 sont mises en oeuvre, notamment la modification du "code de déontologie médicale" et la mise en place en mars 2010 d'une "allocation d'accompagnement d'une personne en fin de vie".
"Notre stratégie est donc claire: c'est celle du développement résolu des soins palliatifs et du refus de l'acharnement thérapeutique!", explique le chef du gouvernement, qui admet n'avoir "jamais été confronté personnellement à l'épreuve terrible de devoir accompagner la fin de vie d'un être aimé". Et de conclure: "A titre personnel, je suis hostile à la légalisation d'une aide active à mourir, ce n'est pas ma conception du respect de la vie humaine et des valeurs qui fondent notre société."
Le texte "ne prévoit aucune obligation explicite de consultation, ni même d'information de la famille du malade", met en garde François Fillon. "Mais surtout, un tel dispositif me paraît être très dangereux" car "le contrôle des actes ne serait effectué qu'a posteriori par une commission".
"Nous devons dialoguer en confiance et entendre, avec respect, les arguments de chacun. Mais il y a une méthode à proscrire, c'est celle de la précipitation", juge-t-il, proposant un débat "dans les prochains mois" dans le cadre de l'Observatoire national de la fin de vie.
Xavier Bertrand "pas favorable"
"Les Français, selon le ministre de la santé, veulent qu'on accompagne, qu'on évite les douleurs insupportables", mais "qu'on soit dans une logique où on ne bascule pas, on ne change pas de système". Il a rappelé aussi qu'un Observatoire de la fin de vie avait été mis en place l'an dernier, "pour voir exactement où on en est de la loi Leonetti". "Il faut tout regarder avant de franchir ce pas que moi je n'ai pas envie de franchir", a-t-il dit. "Je ne suis pas favorable à l'euthanasie", a dit Xavier Bertrand sur BFM TV et RMC. Et d'ajouter: "Ce n'est pas une conception partisane qui doit l'emporter ici."
En Europe, l'euthanasie est légale en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse et au Luxembourg. La situation est plus floue en Allemagne, où aucune peine ne la sanctionne.
Le Sénat examinait un texte controversé
La proposition de loi était le résultat de la fusion de trois textes allant dans le même sens, émanant l'un de Jean-Pierre Godefroy (PS), l'autre d'Alain Fouché (UMP) et le troisième des sénateurs CRC-SPG (communistes et Parti de Gauche) François Autain et Guy Fischer.
Son adoption en commission avait déclenché aussitôt une levée de boucliers. Au groupe UMP du Sénat, on a affirmé ainsi qu'une majorité y était opposée. Certains sénateurs du parti présidentiel avaient en outre pris la plume pour dénoncer un texte qui va "à l'encontre de notre droit qui vise à protéger les plus faibles, les plus vulnérables et à porter assistance à celles et ceux qui sont en situation de danger".
A l'inverse, interrogé la semaine dernière, suite au vote, Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), avait applaudi ce texte. "Pour la première fois de l'histoire de notre pays, une première étape parlementaire est franchie en faveur d'une loi de légalisation d'une aide active à mourir", avait-il dit, demandant vouloir lui aussi que soient développés les soins palliatifs. "On veut marcher sur les deux jambes, on veut une loi qui permette l'accès universel aux soins palliatifs, alors que seulement 20% des gens qui en ont besoin en bénéficient, et aussi une qui légalise l'euthanasie."
Les adversaires de la légalisation de l'euthanasie avaient mis en outre l'accent sur le risque "d'une judiciarisation toujours plus accrue à l'encontre du corps médical", et d'une coupure du lien "de confiance nécessaire entre le médecin et son patient".
En novembre, à l'initiative des socialistes, une proposition de loi sur la fin de vie avait été présentée à l'Assemblée nationale. Elle avait été rejetée par 326 voix contre 202.
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