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Covid-19 : pourquoi les femmes déclarent-elles davantage d'effets indésirables que les hommes après la vaccination ?

Environ les trois quarts des effets secondaires déclarés suite à une vaccination contre le Covid-19 concernent des femmes. Raisons démographiques, culturelles et biologiques : on fait le point sur ce qui peut expliquer ce phénomène.

Article rédigé par franceinfo - Antoine Deiana
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une femme se fait vacciner le 15 janvier dernier au palais des sports de Gerland transformé en vaccinodrome. (ROBERT DEYRAIL / GAMMA-RAPHO)

Les effets secondaires, ou encore effets indésirables, ne concernent qu'une minorité des personnes vaccinées. Au dernier pointage, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (l'ANSM), sur les 6 762 000 personnes vaccinées en France, les effets indésirables ne représentent que 14 402 personnes. Mais il y a un phénomène notable parmi ces personnes : cela concerne surtout les femmes.

Dans son dernier point de situation du 19 mars 2021, l'ANSM constate que dans 74,4% à 79,9% (selon le vaccin injecté) des cas d'effets secondaires notifiés et non graves, il s'agissait de femmes. Comment expliquer cet écart avec les hommes ?

Parce qu'il y a plus de femmes qui se font vacciner

Pour expliquer ce phénomène, les personnels de santé, appartenant au réseau français des centres de pharmacovigilance, que nous avons contactés, mettent en avant des raisons démographiques. En effet, les autorités françaises, depuis le début de la campagne de vaccination, ont vacciné en priorité les personnes âgées et les soignants : ce sont deux catégories de population où les femmes sont surreprésentées. Selon les chiffres de l'Insee, en France, il y a 5 890 000 femmes de plus 70 ans contre 4 210 000 hommes. En ce qui concerne les soignants, selon l'Insee, la première profession de santé, en termes d'effectifs, est infirmier. Les femmes y sont très largement représentées avec 86,6% de la profession. Il n'est donc pas étonnant de voir que les soignantes sont deux fois plus nombreuses à se faire vacciner que leurs collègues masculins.

C'est également le cas aux États-Unis, où les autorités sanitaires (le CDC) ont rapporté que 77 à 78% des personnes recevants le vaccin Pfizer ou Moderna et signalant des effets indérisables non graves, étaient des femmes. 

Mais la piste démographique ne semble pas expliquer complètement ce phénomène. En France, on vaccine certes plus les femmes (60% des personnes ayant reçu deux doses), mais l'écart est beaucoup moins important que celui constaté dans les effets secondaires. D'ailleurs, l'ANSM, dans son dernier point de situation sur le vaccin AstraZeneca, avance une autre hypothèse : "Cela pourrait témoigner d’une plus grande réactogénicité (fièvre, fatigue, douleurs musculaires, douleur au site d'injection, etc.) chez les femmes, comme évoqué dans de précédentes études avec notamment les vaccins de la grippe". 

Parce qu'en général, les femmes réagissent plus aux vaccins

En effet les femmes produisent plus d'anticorps anti-infectieux en réponse aux vaccins (Phénomène étudié en réponse aux vaccins contre la grippe, le ROR, la fièvre jaune, la rage et les hépatites A et B). Selon Sabra Klein, microbiologiste et immunologiste à la Johns Hopkins Bloomberg school of public health dans le Maryland, ces effets secondaires légers à modérés se traduisent par "le fait d'être fatiguée, des douleurs et un gonflement dans le bras, des maux de tête, peut-être une légère fièvre." Et selon elle, réagir aux vaccins et développer des effets secondaires n'est pas négatif, au contraire. 

"Ces réactions physiques sont un signe que le vaccin fonctionne et que vous développez une réponse immunitaire très robuste et vous serez probablement protégée en conséquence."

Sabra Klein, microbiologiste et immunologiste

Ce que disent aussi les études, c'est que les femmes sont aussi surreprésentées concernant les réactions allergiques après une vaccination. Aux États-Unis, en 2013, au moment de la compagne de vaccination contre la grippe A, les femmes de 20 à 59 ans étaient quatre fois plus nombreuses à développer des réactions allergiques au vaccin que les hommes. Enfin, une autre étude du département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis, publiée en 2019, révèle qu'entre 1990 et 2016, 80% des cas de réactions anaphylactiques à des vaccins concernaient des femmes.

Parce que les doses de vaccin administrées aux femmes ne seraient pas adaptées

Et si la taille des doses de vaccins posait aussi problème ? C'est une autre hypothèse soulevée par Sabra Klein : "Chez les adultes, les doses de vaccin sont uniques, quelle que soit notre taille, notre biologie. Je pense qu'il y a des raisons d'étudier et d'essayer de mieux comprendre si les femmes pourraient être aussi bien protégées avec une plus petite dose de vaccin. Trop souvent, les fabricants de vaccins utilisent une approche unique, avec une dose unique, car c'est plus facile à administrer."

Une étude a bien été réalisée entre 2004 et 2005, où des tests d'administration du vaccin contre la grippe ont été réalisés avec des doses complètes administrées à des hommes et des demi-doses aux femmes. Les femmes ont répondu de la même façon à la demi-dose que les hommes qui ont reçu la dose complète. Des études ont en effet montré que les femmes absorbent et métabolisent les médicaments différemment des hommes.

Parce que les femmes signalent plus facilement leurs problèmes de santé

Enfin il y a une raison sociétale qui pourrait expliquer ce phénomène. Selon Sabra Klein, "il est peut-être plus socialement acceptable pour les femmes de ressentir de la douleur, de déclarer qu'elles ne se sentent pas bien ou qu'elles sont blessées. Dans de nombreuses cultures et sociétés, les hommes doivent être forts et ne pas dire qu'ils ne se sentent pas bien ou que quelque chose les blesse. Je pense que ces facteurs culturels peuvent absolument y contribuer."

Il n'y a pas de recherche spécifique au vaccin pour étayer cette affirmation, il s'agit d'une hypothèse défendue par la microbiologiste américaine, mais une étude montre que les hommes sont moins susceptibles que les femmes de consulter un médecin lorsqu'ils sont malades.

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