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Cancer : l’immunothérapie ou comment notre système de défense peut apprendre à tuer les tumeurs tout seul

Les chercheurs en oncologie développent actuellement des alternatives à la  chimiothérapie. L'idée est de rappeler aux cellules de défense qu'elles doivent lutter contre les tumeurs cancéreuses.  

Article rédigé par Jean-Daniel Flaysakier - Envoyé spécial à Chicago (Etats-Unis)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un traitement d'immunothérapie est préparée à l'hôpital Foch, à Paris, le 22 février 2018. (GARO / PHANIE / AFP)

Les médecins ont encore un peu de mal à s’y habituer. Voir certains de leurs patients debout, ayant repris une vie quasi normale depuis plusieurs années alors que leur état laisser supposer une fin de vie proche. Cette révolution a un nom : l’immunothérapie. Une façon de rappeler aux cellules de défense de l’organisme que leur métier, c’est de tuer les cellules cancéreuses. Dans un certain nombre de cas, on a réussi à redonner aux globules blancs leur puissance de feu. De quoi alimenter les discussions à la conférence de l’Asco, la Société américaine d'oncologie clinique, le premier rendez-vous mondial en cancérologie, qui a débuté vendredi 1er juin à Chicago (Etats-Unis).

La première méthode, en pleine expansion, consiste à empêcher les cellules cancéreuses de faire croire aux lymphocytes, les cellules de défense, qu’ils sont alliés. Les lymphocytes sont équipés d’un système d’amarrage appelé PD-1. Théoriquement, il enclenche la destruction des cellules auxquelles il s’accroche. Mais les tumeurs ont développé une sorte de contre-feu, qu’on appelle un ligand, PDL-1. Telle une perche, elle va venir intercepter le système d’amarrage et le rendre inactif.

Une réponse positive chez un tiers de patients

Plusieurs molécules, appelées anticorps monoclonaux, ont été mises au point pour bloquer soit PD-1 soit PDL-1 et permettre ainsi de stopper l’action hostile du cancer. D’abord utilisés dans le mélanome, ces traitements ont littéralement fait fondre les masses cancéreuses, tumeur originale et métastases, permettant des rémissions de plusieurs années là où l’espérance de vie se comptait parfois en mois.

D’autres cancers sont ciblés, comme le cancer de la vessie ou des cancers de l’estomac et de l’œsophage. Mais les plus grandes avancées se font actuellement dans certaines formes de cancer du poumon, des formes avancées, inopérables et pour lesquelles les traitements par chimiothérapie sont peu ou plus efficaces.

Il faut cependant être prudent. On ne parle pas de guérison et environ le tiers des malades traités a une réponse positive. Les effets secondaires peuvent aussi être très sévères, voire fatals. Mais les progrès faits en permanence dans la compréhension des mécanismes d’action de ces produits sont en train de transformer le traitement de diverses tumeurs.

Des machines à tuer les tumeurs

Autre extraordinaire aventure, celle des CAR T-cells. Sous ce nom se cache une façon de transformer des lymphocytes en machines à tuer. Le principe : on prélève les lymphocytes du patient. En laboratoire, on met ces globules blancs en contact avec un virus. Le virus va déposer dans les cellules un gène qui va permettre aux lymphocytes de fabriquer une "arme" qui reconnaît spécifiquement les cellules de la tumeur. Après quelques semaines de culture, des centaines de millions de lymphocytes modifiés et ainsi équipés vont être retransfusés au patient. Les cibles sont désignées, l’attaque peut commencer.

Cette technique est pour l’instant utilisée dans ce qu’on appelle les tumeurs liquides, celles qui concernent des cellules du sang ou de la moelle osseuse : leucémies, lymphome et myélome multiple. Là encore des personnes condamnées, souvent de jeunes enfants, ont pu entrer dans de très longues rémissions. Le taux de succès oscille entre 30 et 40% selon les études.

Comme pour les anti-PD-1, il existe des effets secondaires liés notamment aux destructions massives de masses tumorales, de véritables "orages immunologiques", qui peuvent avoir des conséquences graves et entraîner des décès.

Des méthodes au coût faramineux

Le gros problème avec ces deux méthodes, c’est leur coût, colossal. Pour les anti-PD-1 et anti-PDL-1, on doit compter 100 000 à 150 000 euros par an pendant trois ans pour un tiers seulement de réponses positives. Pour les CAR T-cells, on atteint des sommets stratosphériques. Car la prise en charge et la préparation du patient en chambre stérile, le traitement et les soins qui s’en suivent peuvent atteindre le million de dollars aux Etats-Unis.

Deux produits sont déjà sur le marché américain, dont l’un a bénéficié d’une "fleur" de son fabricant, qui a ramené le prix de 600 000 à 450 000 dollars ! Soit tout de même près de 385 000 euros. Ces prix ne seront sûrement pas de mise en Europe, mais les traitements seront sûrement très chers, avec une efficacité limitée au tiers des bénéficiaires. Il est évident que la négociation entre les pouvoirs publics et l'industrie pharmaceutique sera décisive pour pouvoir offrir un traitement de qualité accessible au plus grand nombre.

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