L'intérêt du dépistage du cancer de la peau mis en cause
Le dépistage systématique des cancers est de plus en plus discuté. Le débat sur la pertinence du dépistage organisé du cancer du sein, source de surdiagnostic, s’intensifie. Certains scientifiques estiment aussi que la recherche de cancers de la thyroïde ou de la prostate conduit à des repérages trop précoces de lésions, pouvant amener à des excès de traitement, potentiellement nocifs pour les patients.
C’est au tour du dépistage des lésions cancéreuses de la peau d'être remis en cause. Alors qu’ils nous est conseillé de faire surveiller nos grains de beauté tous les ans, un groupe d'experts médicaux consultés par les autorités fédérales américaines, le "U.S. Preventive Services Task Force" (USPSTF), a conclu dans un rapport que "les preuves pour déterminer si les bienfaits potentiels d'un examen annuel par un médecin sont plus grands que les risques" sont "insuffisantes chez les personnes sans précédents familiaux de mélanome - une forme agressive de cancer de la peau - ou de prédispositions particulières".
Sans antécédents de mélanomes dans la famille ou risque individuel particulier, il ne serait donc pas utile, voir délétère, de consulter son dermatologue en routine. Les risques évoqués sont des diagnostics erronés et des prélèvements inutiles accompagnés de complications.
Les conclusions de l'équipe américaine paraissent dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).
Inévitable controverse
Dans un éditorial publié également dans le JAMA, le Dr Martin Weinstock, professeur de dermatologie à la faculté de médecine de l'Université Brown à Providence (Rhode Island) dit comprendre la méthodologie suivie par l'USPSTF tout en s'interrogeant sur les critères retenus.
L'USPSTF ne s'appuie pas sur des opinions d'experts pour tirer ses conclusions, mais exclusivement sur des données provenant d'un ensemble d'essais cliniques strictement contrôlés. Mais pour le cancer de la peau, ces informations sont assez réduites, pointe le dermatologue. "Pour déterminer scientifiquement l'utilité de ces examens il faudrait avoir des résultats d'essais cliniques très étendus vu la faible mortalité de ce cancer. Or ces études n'ont pas été faites", a-t-il dit à l’AFP.
Une fois encore, les résultats d’études et le ressenti des praticiens s’affrontent. "La vaste majorité des dermatologues pensent qu'une détection précoce des mélanomes réduit le risque de mortalité, et l'examen de la peau est le principal outil pour cela", souligne le Dr Weinstock.
Selon lui, les médecins généralistes devraient être formés pour pouvoir détecter un mélanome.
L'American Academy of Dermatology (AAD) a également réagi aux conclusions de l'USPSTF, défendant l'utilité du dépistage. Là encore, c’est l’expérience des dermatologues et leur intime conviction qui sont mises en avant. "Les dermatologues savent que le dépistage du cancer de la peau peut sauver des vies", a déclaré dans un communiqué Abel Torres, le président de l'AAD. "Le mélanome est la principale cause de décès du cancer de la peau mais les autres formes de tumeurs, rarement mortelles, (carcinome basocellulaire superficiel et carcinome cellulaire squameux), peuvent aussi avoir des effets dévastateurs comme des pertes importantes de tissus", a-t-il déclaré.
La tumeur maligne de la peau est le cancer le plus fréquent aux Etats-Unis avec 3,3 millions de cas qui seront diagnostiqués en 2016 dont la plupart des formes bénignes et 76.000 mélanomes qui provoqueront plus de 10.000 décès.
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