"On a vraiment eu peur de perdre notre fille" : au moins quatre familles ont découvert un ver dans du lait Gallia
Deux d'entre elles ont déposé plainte et une troisième entend le faire. L'entreprise a mis en place un numéro (0800 202 202) pour signaler des cas similaires.
"Il était très long, très fin, et n'arrêtait pas de bouger dans tous les sens." Le 18 novembre 2019, Ylonna, 3 mois, régurgite un ver long de "plusieurs centimètres" après avoir bu du lait en poudre Galliagest 0-6 mois, se remémore auprès de franceinfo sa mère, Elodie, habitante de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). "J'ai eu peur, j'ai été prise de panique", témoigne cette auxiliaire de vie et mère de trois enfants.
A l'époque, la situation de sa fille est préoccupante : depuis trois semaines, Ylonna ne s'alimente quasiment plus, et sa température, qui varie entre 35 et 41 °C, lui vaut une hospitalisation la nuit du 3 au 4 novembre. La découverte du ver accélère les choses : envoyée à l'hôpital de Saint-Malo par sa médecin généraliste, Ylonna subit une analyse des selles et une échographie abdominale qui ne permettent pas de découvrir d'autres parasites. L'étude du ver conclut par ailleurs qu'il s'agit d'un "parasite adulte", sans fournir plus d'informations, selon le résultat d'analyse que franceinfo a pu consulter. Et l'échantillon a depuis été "détruit par l'hôpital", regrette Elodie.
"On a vraiment eu peur de perdre notre fille", raconte, la gorge nouée, la mère de l'enfant, même si aucun lien formel ne peut pour l'instant être établi entre l'état de la fillette et le ver régurgité. L'histoire se termine bien : "Trois jours après avoir régurgité, Ylonna a recommencé à manger naturellement. Aujourd'hui, elle a 7 mois et est en bonne santé", se réjouit Elodie.
"Un ver d'un centimètre et demi, bien vivant"
Les parents d'Ylonna ont néanmoins porté plainte mardi 25 février pour "administration de susbstance nuisible à un mineur de 15 ans suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours", selon le document consulté par franceinfo. "S'il y a un problème avec le lait Gallia, il faut qu'ils le sachent et qu'ils fassent quelque chose", justifie Elodie.
L'histoire de cette famille bretonne n'est pas isolée. Quelques jours plus tard, dimanche 23 novembre, Marine et Kevin, habitants de Sort-en-Chalosse (Landes), ont eu la désagréable surprise de trouver "une larve vivante" dans le biberon de leur bébé de 3 mois, rapporte France Bleu Landes. La boîte de Gallia relais naissance 0-6 mois avait été achetée la veille dans une pharmacie d'une commune voisine. Le couple contacte Gallia, filiale du groupe agroalimentaire Danone, en lui communiquant le numéro de production de la boîte – ce qu'a confirmé l'entreprise à l'AFP –, mais décide de ne pas porter plainte.
D'autres cas suivent. Le 4 janvier, Sarah, habitante de Bormes-les-Mimosas (Var), repère "une toile d'araignée" dans une boîte de lait Galliagest 0-6 mois alors qu'elle prépare un biberon pour son fils de 1 mois. "En secouant la boîte, je trouve au fond un ver d'un centimètre et demi, bien vivant", raconte à franceinfo cette mère de deux enfants.
"Avec mon mari, on a mis la larve dans une petite dosette et on l'a apportée en pharmacie pour se faire échanger la boîte", indique-t-elle. Contactée par franceinfo, la pharmacie confirme la présence d'un ver et indique avoir renvoyé la boîte à Gallia, à la demande de l'entreprise, pour effectuer des analyses. "On se dit que ce genre de choses ne devrait pas arriver, surtout que c'est une grande marque et un très bon lait", se désole Sarah. Après avoir pris connaissance de la multiplication des cas ces dernières semaines, la jeune femme assure vouloir porter plainte lundi prochain "pour ne pas que ça se reproduise".
"J'ai essayé de garder mon calme"
Car la famille de Sarah n'est pas la dernière concernée. Dans la nuit du 11 au 12 février, à La Bourboule (Puy-de-Dôme), Stéphanie découvre "un point noir de quelques milimètres qui se déplace" dans une boîte de lait Galliagest 0-6 mois alors qu'elle prépare un biberon pour son fils Léo, âgé de 2 mois. "J'ai essayé de garder mon calme, mais j'ai tout de suite fait le lien" avec ce qui est arrivé à Ylonna, et dont elle a entendu parler dans la presse. Après avoir contacté le service client de Gallia et la pharmacie de garde la plus proche de chez ses parents, où elle est en vacances à ce moment-là, elle réussit finalement à se faire ouvrir une pharmacie en urgence pour se procurer du lait infantile et nourrir son fils.
"Dans ce cas précis, l'enfant ne semble pas avoir été malade à cause du lait, mais il est difficile de savoir car il souffrait d'une bronchiolite et avait donc de la fièvre", indique l'avocat de Stéphanie, Me Arnaud Constans, joint par franceinfo. Le magasin Auchan de La Bourboule, dans lequel la boîte de lait avait été achetée, "a indiqué verbalement avoir retiré les boîtes de lait Gallia de ses rayons", ajoute-t-il.
Stéphanie a porté plainte le 18 février au commissariat de Montrouge (Hauts-de-Seine), commune voisine de celle où ils résident, pour "mise en danger d'autrui par personne morale", selon le document que franceinfo a consulté. Une plainte a également été déposée vendredi 28 février auprès de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) du Rhône. "Ce qu'on cherche, c'est surtout à comprendre ce qu'il s'est passé pour que ça ne se reproduise pas, et que les autres familles qui utilisent ce produit soient vigilantes", indique Stéphanie.
Outre ces quatre exemples, un autre cas, dans les Bouches-du-Rhône, a été rapporté par RTL. Mais franceinfo n'a pas été en mesure de vérifier cette information.
Une contamination en dehors de la chaîne de production, selon Danone
Contacté par franceinfo, Florent Lalanne, directeur des affaires médicales de Danone, qui fabrique le lait infantile concerné, indique que l'entreprise "prend cette question très très au sérieux car la santé de l'enfant en bout de chaîne est notre souci premier".
"Dans la chaîne de production, l'ensemble de la poudre de lait n'est jamais en contact avec l'air et est conditionnée sous atmosphère protectrice où le pourcentage d'oxygène, de l'ordre de 2%, est très faible, ce qui rend impossible pour un organisme vivant de se développer", détaille-t-il. "Une vingtaine de procédures de contrôle sont menées sur chaque produit, avec une centaine de critères" avant que ces derniers quittent l'usine, ajoute-t-il.
"L'essentiel pour nous, c'est de pouvoir avoir accès aux boîtes de manière à pouvoir effectuer des analyses pour comprendre comment ces larves peuvent venir se loger dans le produit", indique également Florent Lalanne, en invitant les familles touchées à contacter l'entreprise via un numéro de téléphone (0800 202 202) ou le site laboratoire-gallia.fr.
Les deux lots utilisés par les familles des Landes et du Puy-de-Dôme, qui ont contacté Gallia, ne proviennent pas de la même référence de lait, mais ont été produits sur un même site, à Wexford (Irlande), précise le responsable des affaires médicales de Danone.
Les "analyses internes" conduites grâce aux numéros de lot communiqués par ces deux familles "ont montré une conformité du site de production, ce qui nous suggère très fortement une contamination dans la suite du processus" lors du transport, du stockage ou du circuit de distribution, assure Florent Lalanne.
Un cas semblable en 2018
Ces exemples ne sont pourtant pas une première : un cas similaire avait été rapporté par 20 Minutes en novembre 2018. A l'époque, une famille du Val-de-Marne avait découvert une larve vivante dans une boîte de lait en poudre de la marque Gallia après avoir remarqué que leur fille de 6 mois souffrait de maux de ventre. "On essaye de comprendre ce qu'il s'est passé. Toutes les autres boîtes de ce lot produit en avril 2018 ont été vendues. Et, depuis, nous n'avons eu aucune autre réclamation", avait alors indiqué un porte-parole de Danone.
Interrogé sur ce cas, Florent Lalanne assure que "des investigations ont eu lieu" et ont conclu à "la conformité du produit". "On a contacté la famille à de multiples reprises mais nous n'avons pas réussi à récupérer la boîte" et l'affaire s'est donc arrêtée là, assure-t-il.
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