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Hildegarde de Bingen, cette religieuse du Moyen-Âge qui a révélé les vertus du houblon

C'est en grande partie à cette abbesse allemande du XIIe siècle que l'on doit l'ajout du houblon dans la cervoise pour en améliorer la conservation. Alors que l'Oktoberfest démarre ce week-end à Munich, on vous raconte l'histoire de cette mystique visionnaire, référence des diététiciens et icône féministe.

Article rédigé par Valentine Joubin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une gravure du 19e siècle représentant Hildegarde de Bingen. (LEEMAGE VIA AFP)

Des millions de chopes remplies à ras bord valsant au rythme de chansons populaires dans un marathon de la beuverie ... La fête de la bière démarre ce week-end à Munich, en Allemagne. L'Oktoberfest donne le top départ d'une série de festivals en Europe et dans le monde, consacrés à cette boisson alcoolisée à base d'eau, d'orge malté, de levure et de houblon. Mais parmi ces fans de petite mousse, combien savent que l'on doit cette recette à une religieuse allemande du Moyen-Âge ? 

Visions divines et céréales fermentées

Docteure de l'Eglise, prédicatrice, musicienne, poétesse, guérisseuse... Le CV d'Hildegarde de Bingen est impressionnant. Née en 1098 en Rhénanie, elle entre au couvent à l'âge de 8 ans. Cette mystique, habitée par des visions divines depuis ses 3 ans, reçoit un solide enseignement médical et botanique. Devenue abbesse à seulement 38 ans, elle enrichit ce savoir de son observation méticuleuse de la nature, prodigue divers remèdes et rédige deux ouvrages naturalistes (Physica et Causae et Curae).Vous vous demandez quel est le rapport avec la bière ?

Eh bien parmi les plantes qui vont retenir l'attention d'Hildegarde, il y a le houblon. Dans son Encyclopédie du vivant, Physica, l'abbesse écrit que "l'amertume du houblon combat certaines fermentations nuisibles dans les boissons et permet de les conserver plus longtemps", cite Aubrée Gaudefroid, conservatrice et directrice de la maison des Mégalithes de Wéris, un musée belge qui consacre cet automne une exposition à Hildegarde de Bingen. "Ses écrits ont été consultés, poursuit-elle. C'est ce qui a poussé les moines à planter du houblon et à utiliser le houblon" dans leur cervoise pour en prolonger la conservation.

Une bière épicée pour atténuer l'amertume

Hildegarde de Bingen n'est pas la première à avoir découvert les bienfaits des cônes verts du houblon. Selon plusieurs historiens, Pline L'ancien avait déjà décrit au Ier siècle les vertus gustatives de la plante. Mais c'est bien l'abbesse allemande qui en a révélé – par écrit – les pouvoirs conservateurs et aseptisants. À cette époque, au XIIe siècle, la bière sert d'ailleurs à conserver l'eau.

"C'est une boisson à la base très légère, autour de 1 %, 1,1%. Donc ce n'était pas vraiment l'ivresse qui était recherchée. C'était vraiment une alternative à l'eau". 

Aubrée Godefroid

à franceinfo

Les visiteurs de la maison des Mégalithes pourront en faire l'expérience, puisque le musée a brassé sa propre cervoise dans le cadre de l'exposition.

En termes de goût, on est loin de l'amère Indian pale ale (IPA), bière vedette des bars ces dernières années. Les moines ne lésinaient pas sur les épices – badiane et armoise notamment – pour atténuer la saveur du houblon. "Il n'y a pas de bière blonde comme on peut en trouver aujourd'hui, ce sont des bières troubles, ambrées", explique Aubrée Godefroid. La recherche de l'amertume "viendra plus tard, précise-t-elle, tout comme le mot bière. C'est Philippe II de Bourgogne qui, en 1434, va désigner une boisson fermentée à base de céréales aromatisée de houblon. Avant le houblon ne servait pas d'arôme."

Diététicienne et féministe avant l'heure

La bière s'est chargée en alcool et en amertume au fil des siècles, tandis que les écrits d'Hildegarde de Bingen sont quasiment tombés dans l'oubli. "Elle est revenue en grâce dans les années 80", se félicite Aubrée Godefroid. Non pas pour son éloge du houblon mais pour celle d'une céréale : l'épeautre. La religieuse allemande a décrit les vertus nutritives du "blé des Gaulois" mais aussi recommandé de nombreuses plantes et herbes aromatiques pour soigner certaines douleurs ou faciliter la digestion. Diététicienne avant l'heure, elle est ainsi devenue une référence pour les adeptes d'une alimentation saine et rustique.

Hildegarde de Bingen, icône écologiste en quelque sorte, mais aussi féministe. "C'est quelqu'un qui est très inspirant, une femme qui a eu du pouvoir à son époque, estime Aubrée Godefroid. C'est une des premières à parler du corps des femmes. On venait la consulter pour des problèmes que l'on associerait aujourd'hui à la gynécologie, ce qui est assez fondamental et assez novateur à l'époque. On lui doit beaucoup." 

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