Vincent Lambert : les dates clés de l'affaire
Voici un rappel des décisions médicales et judiciaires sur le maintien en vie de Vincent Lambert, un débat qui déchire la famille de cet homme, tétraplégique en état végétatif depuis plus de dix ans. Avant son accident, Vincent Lambert n'avait pas rédigé de directives anticipées précisant son opposition à tout acharnement thérapeutique.
De 2008 à 2013 : de l'accident à la première décision du CHU
En septembre 2008, Vincent Lambert, ambulancier, est hospitalisé à Reims après un accident de la route. Il est plongé dans un coma artificiel. Deux ans et demi plus tard, une série de tests réalisés en Belgique amènent les médecins à conclure que Vincent se trouve dans un état de "conscience minimal", "sans espoir d'amélioration".
Le 10 avril 2013, un protocole de fin de vie est engagé par le CHU en accord avec Rachel Lambert, la femme de Vincent, sans consulter explicitement ses parents du jeune homme. Pour les médecins, le malade multiplie des comportements d'opposition aux soins "faisant suspecter un refus de vivre".
Mais début mai, la mère de Vincent saisit le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour rétablir rétablissant l'alimentation et l'hydratation de son fils. Le juge valide le fait que le processus collégial n'a pas respecté l'obligation de consulter l'ensemble des membres de la famille. En septembre, le CHU initie une nouvelle réflexion sur la fin de vie de Vincent Lambert, impliquant l'ensemble de sa famille et quatre experts. Seuls les parents de Vincent, catholiques traditionalistes, plaident en faveur du maintien en vie.
2014 : le dossier passe devant le Conseil d'État
Le 11 janvier 2014, le CHU informe la famille qu'il va arrêter nutrition et hydratation artificielles, conformément à la loi Leonetti qui interdit l'acharnement thérapeutique. Sur quatre experts, un seul a plaidé pour le maintien en vie. Deux jours plus tard, les parents de Vincent, que sa sœur et son demi-frère, saisissent le tribunal administratif, qui se prononce rapidement contre la décision d'euthanasie passive. Il juge que "la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée". Saisi par Rachel Lambert et le CHU, le Conseil d'État décide le 6 février de renvoyer l'affaire à une formation collégiale d'experts.
Les résultats de cette expertise confirment l'incurabilité de Vincent Lambert, de même que la "dégradation de [son] état général. Le 24 juin, le Conseil d'Etat se prononce pour l'arrêt des soins. La Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH), saisie en urgence par les parents, demande le maintien en vie, le temps de statuer sur son cas.
2015-2016 : vers la mise sous tutelle de Vincent Lambert
La CEDH rend son avis le 5 juin 2015. Selon elle, l'arrêt des soins ne violerait pas le droit à la vie. Sur cette base, le CHU pourrait engager une nouvelle procédure d'arrêt des traitements. Mais dès le 7 juin, les parents de Vincent Lambert demandent à l'établissement le transfert de leur fils vers une unité spécialisée à Strasbourg. La demande n'est pas prise en compte par le CHU de Reims, qui engage la nouvelle procédure au début du mois suivant.
Quelques jours plus tard, les parents de Vincent portent plainte contre l'hôpital et les médecins de leur fils. Ces derniers décident de ne pas se prononcer sur la fin de vie du patient, en attendant que le parquet de Reims ne désigne un représentant légal (tuteur, ou curateur) pour le patient.
Le 9 septembre, François Lambert, neveu de Vincent, demande au tribunal administratif d'obliger le CHU de Reims à arrêter les soins. La demande est rejettée un mois plus tard, le juge estimant que les médecins, "en vertu de leur indépendance professionnelle et morale", sont en droit de suspendre le processus d'arrêt des traitements malgré les décisions de justice précédentes. François Lambert fait rapidement appel de cette décision.
Le 10 mars 2016, le juge des tutelles de Reims confie à Rachel Lambert la tutelle de son mari. Dès le lendemain, les parents de Vincent Lambert font appel de la décision de justice.
Le 16 juin, la cour administrative d'appel de Nancy, saisie du jugement du 9 octobre, décide que les consultations d'experts pouvant mener à un arrêt des soins "doivent reprendre". Les parents forment un nouveau recours auprès du Conseil d'Etat.
2017-2018 : les expertises confirment que l'état de Vincent Lambert est irréversible
Le 11 janvier 2017, les parents de Vincent Lambert, qui réclament toujours son transfert dans un établissement spécialisé, déclarent avoir porté plainte contre le CHU de Reims pour "délaissement de personne hors d'état de se protéger". La justice rejette cette demande, estimant que Rachel Lambert est la seule autorisée à effectuer une telle démarche.
Suite au recours formé mi-2016 devant le Conseil d'État, ce dernier estime le 19 juillet qu'une suspension des consultations serait "illégale".
Fin septembre, le CHU demande une nouvelle procédure pouvant mener à l'arrêt des soins. Une fois de plus, les parents de Vincent Lambert demandent au Conseil d'Etat la suspension de cette décision. La requête est rejetée le 31 janvier 2018.
Le 9 avril, à l'issue de cinq mois de consultations, le CHU de Reims se prononce de nouveau pour "l'arrêt des traitements". Huit jours plus tard, les parents déposent un recours en urgence contre cette décision. Comme le prévoit la loi, cette demande suspend la procédure initiée par l'établissemant. Le 20 avril, suite à la demande des parents, le tribunal ordonne une nouvelle expertise médicale. Le collège d'experts est nommé le 2 mai.
Mais le 6 juin, une demande de récusation des experts est déposée par les parents, une soeur et un demi-frère est rejetée. Le 14, les trois médecins-experts désignés se désistent, invoquant leur incapacité à résister aux "tentatives de manipulations et aux critiques". Un nouveau collège d'expert sera nommé dans les semaines suivantes.
Le 21 novembre, les nouveaux experts mandatés par la justice confirment que l'état de Vincent Lambert ne lui laisse plus "d'accès possible à la conscience". Le patient apparaît "dans un état d'incapacité fonctionelle psycho-motrice totale en 2018 comparable cliniquement à celui enregistré en 2014". Ils jugent toutefois que la prise en charge du patient "ne relève pas de l'acharnement thérapeutique ou d'une obstination déraisonnable", et que sa condition médicale "n'appelle aucune mesure d'urgence".
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