Le procès du Mediator risque-t-il d'être reporté ?
Près de 40 prévenus, 4000 victimes, dont 2000 décès... le procès du Mediator débutera lundi 23 septembre prochain devant tribunal de Paris. Un soulagement pour de nombreux malades, leurs proches et leurs soutiens mais qui pourrait être de courte durée. Alors qu’il doit mobiliser pendant 6 mois une aile du Tribunal de Paris, les questions posées aux juges par les laboratoires Servier pourraient provoquer sa suspension après quelques jours d’audiences.
Quel est l'objet de ces QPC, questions prioritaires de constitutionnalité ? Les réponses de notre journaliste Géraldine Zamansky.
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Les délais de prescription
La première question prioritaire de constitutionnalité porte sur la période des faits de tromperie. Aujourd'hui, les faits qui sont reprochés à Servier dans l'instruction commencent dans les années 1970, date de l’Autorisation de mise sur le marché du Mediator.
Mais les laboratoires considèrent que cette date ne respecte pas les règles du droit en matière de prescription pour tromperie. L’industriel conteste en effet la jurisprudence selon laquelle l’instruction peut remonter plus de 40 ans en arrière. Selon la défense de Servier, ne pourraient être retenus uniquement les faits qui remontent aux 3 ans précèdant le début de l'instruction, soit 2011. Dans ce cas, seuls les faits postérieurs à 2008 seraient pris en compte. Les poursuites possibles seraient donc réduites à 2 ans puisque le Médiator a perdu son AMM en novembre 2009.
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Le délit de prise illégale d’intérêts
La seconde question prioritaire de constitutionnalité porte sur l’accusation de prise illégale d’intérêts. Cela concerne la partie du dossier liée à l’Agence du médicament de l’époque, l’AFSSAPS. L’instruction considère en effet qu’elle a été négligente dans son contrôle du Mediator, à cause des liens entre certains de ses membres et les Laboratoires Servier. Mais selon l’industriel, les capacités de décisions, de surveillance, des experts en question ne seraient pas suffisantes pour justifier une accusation de « prise illégale d’intérêt ». C’est plus précisément la définition peu précise de la notion de « surveillance » dans les textes de loi qui ne permettrait pas de l’utiliser correctement dans cette procédure.
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Une demande de contre-expertise judiciaire
Les laboratoires Servier réclament une contre-expertise judiciaire. Celle qui est aujourd’hui au cœur de l’instruction établit le fait que les laboratoires Servier ont caché le fait que le Mediator était d’un coupe-faim proche de l’Isoméride, un autre de leur médicament dont les risques avaient été identifiés dès les années 1990.
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Quels risques pour la tenue du procès ?
Les avocats vont plaider ces éléments devant les juges lundi ou mardi prochains, au début du procès. Puis les juges vont délibérer. Pour la contre-expertise, l’arbitrage se fera sans doute au fil des débats. Pour les QPC, la première option est qu’ils reportent leur examen à la fin du procès, car leur formulation n’exige pas une réponse immédiate. Les juges peuvent aussi considérer qu’elles n’ont rien de légitime et les rejeter. Le procès se poursuivrait alors normalement. Le cas contraire, les juges transmettraient les QPC à la Cour de Cassation et alors le procès s’arrêterait… le temps que la Cour de Cassation se prononce, voire même le Conseil Constitutionnel s'il était saisi à son tour de ces questions.
Cette interruption serait catastrophique pour les victimes qui attendent avec impatience la tenue de ce procès. Leurs avocats considèrent que les arguments des Laboratoires Servier sont irrecevables et espèrent que les juges ne suspendront pas les audiences.
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