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Haïti manifeste contre la corruption

Tous les jours, dans "Un monde d’avance", un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée sous les radars. Aujourd’hui, la tension politique croissante à Port-au-Prince après une série de manifestations contre la corruption, qui ont dégénéré violemment.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des milliers d'Haïtiens protestaient à Port-au-Prince dimanche dernier contre la corruption. (ESTAILOVE ST-VAL/EPA/Newscom/MaxPPP)

L’inquiétude grandit alors que se prépare, vendredi 23 novembre, une nouvelle manifestation dans la capitale Port-au-Prince (Haïti), où il faut compter six heures de moins qu'à Paris. Dimanche dernier, près d’un million d’Haïtiens sont descendus dans la rue. Un chiffre significatif puisque le pays compte 12 millions d’habitants. Rappelons qu’Haïti, en plein cœur des Caraïbes, est l’un des pays les plus pauvres du monde : 168e au classement de l’indice du développement humain de l’ONU.

Dimanche dernier donc, les manifestations ont dégénéré : 48 heures de violence, trois morts selon le bilan officiel, 11 selon l'opposition qui parle également de plus de 50 blessés. Dans le même temps, une grève générale, lundi et mardi, a paralysé le pays : écoles, administrations ou encore entreprises. Actuellement, de nombreuses barricades bloquent encore certains quartiers de Port-au-Prince. Le risque qu'il y ait de nouveaux incidents lors de la manifestation de ce vendredi est donc pris au sérieux.  

Le scandale Petro Karibe a tout déclenché

A l'origine de cette colère, ce n'est pas la pauvreté à laquelle les Haïtiens sont malheureusement habitués, mais la corruption. Les premières manifestations ont démarré à la mi-août après le tweet d’une personnalité de la société civile, le réalisateur Gilbert Mirambeau. Ce dernier écrivait en créole : "Kot Kob Petro Karibe à ?" Ce qui signifie : "Où est passé l’argent de Petro Karibe ?"

Alors de quoi s’agit-il ? Petro Karibe, c’est un système mis en place il y a 13 ans par le Venezuela d’Hugo Chavez : la vente à un tarif très préférentiel du pétrole vénézuélien avec des emprunts à intérêt très bas. Plus de 20 pays de la région, dont Haïti, ont signé des accords, pour ensuite revendre ce pétrole au tarif du marché. Le problème c’est de savoir où est allé le bénéfice, estimé à plus de 2 millions de dollars pour Haïti. Officiellement, cet argent a financé près de 250 projets : des routes, des écoles, des hôpitaux, des stades. En réalité, peu de projets ont vu le jour. Par ailleurs, selon deux rapports sénatoriaux dont l’un de 650 pages, ces 2 millions ont été détournés par une quinzaine de hauts fonctionnaires et de dirigeants politiques. 

Le pouvoir haïtien est soupçonné

Le président, Jovenel Moïse, s’est d’abord muré dans le silence avant de se décider à intervenir à la télévision mercredi soir. Lors de son discours, le président a seulement dit qu’il resterait au pouvoir et qu’il n’allait pas faire grand-chose. Sachant que les élites haïtiennes sont, pour la plupart, soupçonnées de corruption. Évidemment, la communauté internationale appelle au calme mais la colère de la population haïtienne ne va pas s’éteindre facilement : en plus de la corruption, Haïti subit séismes, ouragans et sous-développement chronique. 

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