En visite en Chine, le président brésilien Lula envisage une alliance avec Pékin sur l’Ukraine et l’économie
Sur l’Ukraine d’abord, l’ambition de Lula est implicite: bâtir une initiative de paix commune avec la Chine. Les deux pays ont, chacun de leur côté, présenté ce qu’ils appellent un "plan de paix". Le projet chinois est assez théorique. Le plan brésilien est plus concret. En substance, la diplomatie brésilienne laisse entendre que la Russie devrait se retirer des zones conquises depuis un an dans le Donbass, mais que l’Ukraine devrait abandonner la Crimée. Moscou et Kiev ont déjà répondu par une fin de non-recevoir.
Mais Lula entend bien revenir à la charge après avoir convaincu Xi Jinping, il le verra vendredi 14 avril. Le Brésil imagine aussi d’associer d’autres poids lourds asiatiques à cette initiative : l’Inde ou l’Indonésie. Sur ce sujet, le géant sud-américain fait de la corde raide. Brasilia condamne l’invasion russe mais se refuse à toute sanction contre Moscou. Et Lula, dans une interview l’an dernier, avait parlé d’une "responsabilité partagée" de Valdimir Poutine et Volodymyr Zelensky dans le conflit. L’initiative diplomatique est ardue, il y a de nombreux coups à prendre, juge la presse brésilienne. Mais Lula a l’air décidé à tenter sa chance.
Émancipation du dollar et plan de paix pour l'Ukraine
L’autre sujet de cette visite ce sont les échanges commerciaux: pour la presse officielle chinoise, c’est la priorité de cette visite. Et ce sera au menu mercredi 12 et jeudi 13 avril, lors du déplacement de Lula à Shanghai. En fait, plus de 20 accords ont déjà été signés fin mars par une énorme délégation de patrons brésiliens : fin mars, c’était la date initiale du voyage de Lula, mais le président brésilien avait alors une pneumonie et il était donc resté au pays, visite reportée à cette semaine. En revanche, le déplacement de la délégation économique avait été maintenu avec une annonce importante à la clé: la volonté des deux pays d’échanger dans leurs monnaies respectives, le yuan et le real. Autrement dit de s’émanciper du dollar américain.
Ces dernières années la Chine est devenu le premier partenaire commercial du Brésil : 1/3 des exportations brésiliennes partent vers la Chine ! C’est trois fois plus que vers les États-Unis. Lula et Xi Jinping pourraient aller encore plus loin lors de cette visite. Le Brésil envisage en effet de rejoindre le grand projet d’infrastructures chinois des nouvelles routes de la soie.Si tel était le cas, la plus grande partie de l’Amérique Latine basculerait alors au sein de ce projet. Ce serait un revers symbolique majeur pour les États-Unis.
La présidence du G20 en 2024
Lula cherche donc à réaffirmer la place du Brésil sur la scène diplomatique mondiale. Après les années du président d’extrême droite Jair Bolsonaro marquées par l’isolement du Brésil, Lula renoue avec une diplomatie très active. Il entend aussi parler avec Pékin de la question climatique. La Chine reste le premier pollueur mondial et le Brésil c’est l’un des poumons de la planète avec l’Amazonie. Lula sait aussi que le Brésil présidera l’an prochain le G20, le "club" des 20 pays les plus riches. Il cherche donc à se poser comme un leader des pays du Sud et comme une puissance autonome sur la scène internationale. Avec un ultime objectif : un siège, un jour, pour le Brésil, au Conseil de Sécurité de l’Onu.
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