En Colombie, la contestation sociale entre dans sa troisième semaine
La France n’est pas la seule à vivre à l’heure de la grève et des manifestations. Plusieurs pays d’Amérique Latine sont en pleine crise sociale, notamment la Colombie.
La Colombie vient de vivre sa troisième journée de grève générale en 14 jours et le conflit entre donc dans sa troisième semaine. On avait d’ailleurs évoqué ici-même le début de la contestation, le 20 novembre. C’est une mobilisation sans précédent depuis un demi-siècle dans ce pays de 50 millions d’habitants situé au nord du continent sud-américain. Il faut comprendre qu’en Colombie, la contestation sociale a longtemps été perçue comme peu légitime, voire inenvisageable en raison du conflit armé avec la guérilla des FARC.
Toutes les grandes villes du pays sont touchées par la grogne : Bogota la capitale, Medellin, Cali, Baranquilla. Les cortèges y défilent pacifiquement au son des concerts des casseroles. Même si cette fois-ci les manifestations ont été moins massives qu’il y a dix jours, il n’en demeure pas moins que le gouvernement d’Ivan Duque est sous pression. Et les milieux économiques commencent à s’inquiéter. La facture du conflit approche déjà les 250 millions d’euros.
La réforme des retraites dans le viseur
Il y a deux axes majeurs dans la contestation. Le premier est vraiment de nature économique et fait écho à certaines revendications que l’on entend ici aussi en France. Les manifestants dénoncent d'abord les projets de réforme des retraites, qui prévoient le recul de l’âge du départ, et une substitution des fonds privés aux pensions publiques ; ils dénoncent aussi l’assouplissement du marché du travail, la réfome fiscale, et le manque d’investissement dans la santé et plus encore l’éducation. Les étudiants sont très nombreux dans les cortèges. Bref, c’est toute la politique libérale du gouvernement de droite d’Ivan Duque qui est montrée du doigt. Les inégalités sont très fortes en Colombie, avec un quart de la population en état de pauvreté.
Le "martyr" Dilan Cruz
Le deuxième axe de la contestation concerne la dérive sécuritaire. Les organisations indigènes dénoncent les violences dont leurs militants sont victimes. Et tous les manifestants réclament également le respect de l’accord de paix avec les FARC et le démantèlement de l’Esmad, un escadron mobile qu’on pourrait comparer aux CRS. Il faut dire que pendant l’une des manifestations précédentes, le 25 novembre, un jeune de 18 ans, Dilan Cruz, a été tué par des billes de plomb tirées par un agent de cet escadron. Cruz est devenu le martyr, le symbole de la contestation.
Un "dialogue de sourds"
Le président Duque ne veut rien céder, d’autant qu’il est aiguillonné par une aile de droite radicale. Mais des négociations avec les syndicats ont quand même été engagées avant-hier, trois heures de discussions sans succès. Un "dialogue de sourds" selon la presse colombienne. Elles doivent reprendre ce soir. Hasard du calendrier, se déroule également aujourd’hui la négociation annuelle sur le salaire minimum. De son issue peut dépendre la suite du mouvement.
Enfin dans le même temps, le président colombien a initié ce qu’il appelle "une grande conversation nationale" avec des représentants de la société civile. Là aussi, ça rappelle quelque chose sur ce qui s’est passé en France dans la foulée du mouvement des "gilets jaunes".
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