Cet article date de plus de cinq ans.

Détectives, drones et traceurs GPS : la Suisse doit voter sur une surveillance très étroite de l'assurance maladie

Tous les jours, dans "Un monde d’avance", un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée "sous les radars" et qui pourrait nous échapper. Aujourd’hui, direction la Suisse, où les citoyens vont se prononcer sur une réforme qui permettra à l'assurance maladie de mieux surveiller les bénéficiaires. 

Article rédigé par Isabelle Labeyrie - Édité par Thomas Pontillon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le drapeau suisse dans les Alpes, en mars 2018.  (FABRICE COFFRINI / AFP)

Le 25 novembre, les Suisses vont voter pour dire s'ils sont d'accord ou non avec une surveillance très étroite des citoyens par l'assurance maladie. Ils vont se prononcer sur un projet de loi, présenté au printemps dernier, qui donne quasiment tous les pouvoirs aux caisses maladie et à l’assurance chômage pour débusquer d'éventuels abus aux prestations sociales.

Une surveillance quasi sans limite

Le texte, s'il est voté, autorise à engager des détectives, à les laisser prendre des photos, enregistrer des conversations ou des vidéos, à placer des traceurs GPS sous une voiture, à utiliser des drones pour géolocaliser un malade et vérifier par exemple qu'il est bien chez lui, même si, pour cela, il faudra l'autorisation d'un juge. 

La surveillance ne serait pas limitée à l’espace public, les rues ou les parcs mais elle pourrait être effectuée dans un espace privé si celui-ci est visible depuis un endroit librement accessible : balcons, jardins, fenêtres donnant sur la rue. En tout cas le texte de loi est assez flou pour permettre cette interprétation.

L'objectif est de faire des économies 

Les assurés n’auraient pas de pouvoir de contestation et pendant la période d’observation, seraient privés des prestations qu'ils perçoivent d'habitude.   L'objectif est de faire des économies. En moyenne, d’après l’Assurance invalidité, les fraudes représentent l'équivalent de 35 millions d'euros par an. Ce qui représente moins de 0,5% du total des prestations. Mais en surveillant mieux les fraudeurs, il serait possible, selon les partisans de la loi, de faire deux fois plus d'économies.  

Pour la droite suisse, notamment, c'est aussi une question de principe. Parce que chaque personne qui triche, c'est une personne qui casse la crédibilité du système. Le vice-président du PLR, le Parti libéral radical qui soutient le projet de loi, a notamment cette comparaison : "ce n'est pas parce qu'il y a peu de fraude à la TVA en Suisse qu'on ne met pas en place des mesures de contrôle du respect de la TVA".   L'an dernier, les assurances ont ouvert plus de 2 000 dossiers pour fraude ou abus aux prestations de l'assurance invalidité. Le soupçon s'est confirmé dans 630 cas, dont 170 grâce à une surveillance rapprochée. Elles ont ensuite du mettre un terme à cette pratique, faute de base légale, c’est pour cela que la loi a été révisée.  

À deux mois du vote, la polémique monte

Un comité libéral vient d’être lancé par de jeunes politiciens de droite pour dénoncer cette trop grande liberté donnée aux compagnies d'assurance. A gauche, c'est le comité "Non aux caméras dans la chambre à coucher" qui a lancé sa campagne, et tout un pan de la société s'alarme d'un texte "disproportionné portant atteinte à la sphère privée". On en arrive au point, disent-ils, où les compagnies d'assurances auront un pouvoir supérieur à celui de la police et où il sera plus facile de surveiller un supposé fraudeur aux assurances sociales qu’un potentiel terroriste.

Leur demande de référendum a recueilli plus que les 50 000 signataires nécessaires, le vote aura donc lieu. Soutenu désormais par les Verts et le Parti socialiste, les opposants au texte ne sont pas sûrs de gagner : au printemps dernier, un sondage réalisé par l'institut Tamedia montrait que 62% des personnes interrogées étaient "favorables" ou "plutôt favorables" à cette loi.    

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.