Corée du Sud : le gouvernement menace de suspendre près de 5 000 médecins grévistes

Le gouvernement sud-coréen fait face à un authentique fiasco politique. Une réforme destinée à contrer la pénurie de médecins a provoqué une grande grève dans un corps de métier en souffrance. Près de 5 000 médecins se voient même menacés de suspensions temporaires s’ils ne se remettent pas au travail.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Pancartes indiquant "Opposition à l'augmentation dans les écoles de médecine" lors d'un rassemblement de médecins à Séoul le 3 mars 2024. (JUNG YEON-JE / AFP)

Lundi 11 mars au matin, 93% des internes n’étaient pas à leur poste dans les hôpitaux. Le mouvement de grève, qui a débuté le 20 février, a bien sûr provoqué l’arrêt de nombreux traitements et le report d’opérations chirurgicales pour les patients.

Face à cette situation, le ministère de la Santé vient d’engager une procédure de trois mois de suspension contre une partie des manifestants. Actuellement, on compte 12 000 médecins fermement opposés à une réforme, qui veut augmenter le nombre d’étudiants en médecine. Si ce projet est incontournable pour le gouvernement, il est inacceptable pour les médecins en activité.

Une réforme inefficace et délétère selon les grévistes

C'est un authentique fiasco politique, puisque cette réforme est avant tout destinée à éviter la pénurie de médecins dans le pays. Cependant, bien que cette grève soit très impopulaire dans le pays, le gouvernement ne parvient pas à faire passer ce projet parce qu’il se heurte à une autre réalité, celle des médecins en activité, mal payés et surmenés. La réforme du gouvernement envisage d’ouvrir 2 000 places supplémentaires dans les facultés de médecine à partir de 2025. Mais ces médecins ont surtout la crainte que cette réforme ne comble pas le manque de soignants dans les campagnes tout en menaçant leurs revenus.

La majorité des jeunes diplômés n’ont aucune intention de quitter la ville et cette réforme, selon eux, ne fera qu’augmenter la compétition entre médecins. Dans un système de santé géré à 90% par des groupes privés, le fait d'avoir davantage de médecins risque d'entraîner plus de compétitivité, avec la possibilité de tirer les prix vers le bas, comme pour n’importe quelle marchandise. C’est le sentiment général des grévistes, comme ce jeune interne en psychiatrie : "Le gouvernement donne l’impression de traiter les médecins comme des objets. Des choses que l’on peut déplacer n’importe où, n’importe quand, en fonction des envies et des orientations politiques. J’aimerais que ce gouvernement respecte un peu plus les droits des médecins."

Une réforme dans l'urgence, faite de manière unilatérale

Les médecins revendiquent en effet le droit d’être consultés et d’être informés sur les détails de la réforme. Le gouvernement a voulu agir vite, de manière unilatérale. Face à la contestation, la police coréenne a perquisitionné le siège de l’association à l’origine du mouvement. Les autorités menacent aujourd’hui de suspendre près de la moitié des manifestants, des "personnels essentiels" à qui le droit de grève est interdit en Corée.

Le gouvernement se trouve ainsi bien loin de son objectif initial, le manque de médecin est aujourd’hui comblé par des militaires réquisitionnés pour faire en sorte que le système ne s’effondre pas. Actuellement, la Corée du Sud compte un peu moins de 3 médecins, 2,6 exactement, pour 1 000 habitants, quand le reste des pays de l’OCDE est à 3,7. La population vieillit et les zones rurales sont déjà totalement désertées par les professionnels de santé. Mais, malgré l'urgence de la situation, bien que 75% des Coréens soient en faveur de la réforme, le gouvernement ne parvient pas à calmer la colère des manifestants qui en sont arrivés à abandonner leur poste. Au final, le ministère de la Santé vient d’adresser un premier courrier à 4 900 médecins grévistes, pour les menacer s'ils ne cessaient pas leur grève.

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