Bollywood, outil de propagande nationaliste
Tous les jours, dans "Un monde d'avance", un coup de projecteur sur une actualité à l'étranger restée sous les radars. Aujourd'hui, le cinéma plus que jamais au service du parti au pouvoir en Inde, avant les élections législatives du printemps prochain.
Le Premier ministre indien Narendra Modi est en fâcheuse posture. Englué dans une affaire de corruption liée à l’achat d'avions Rafale à la France, critiqué pour ses réformes économiques, il doit reconquérir les classes moyennes, qui forment le cœur son électorat. Et pour cela, en Inde, il a le cinéma ! C’est le bien culturel le plus consommé, dans un pays qui compte environ 30% d’analphabètes. Et ce que Bollywood fait à merveille, depuis la lutte pour l’indépendance, c’est servir de relais aux messages des partis politiques. Mais surtout : exalter le sentiment national, louer le charisme et la fermeté du Premier ministre face au voisin pakistanais, glorifier celui qui se présente lui-même comme le défenseur de l’identité hindoue face au péril musulman.
Célébration des valeurs nationalistes
Le meilleur exemple, c’est ce film, sorti mi-janvier : Uri, la frappe chirurgicale. Inspiré d’une opération militaire menée contre le Pakistan en 2016, au Cachemire, zone que les frères ennemis se disputent depuis plusieurs décennies, Uri c’est 2h20 de combats, où de bons soldats indiens tout en muscles affrontent de méchants terroristes pakistanais. Depuis la reprise des affrontements, la semaine dernière, les spectateurs sont retournés en masse voir ce film qui célèbre les valeurs nationalistes défendues par le parti au pouvoir. Dans des cinémas où l’on diffuse d’ailleurs l’hymne national avant toutes les projections (c’est obligatoire depuis 2016 et la reprise des tensions dans le Cachemire). Uri est un tel succès que ses meilleures répliques sont même reprises dans les meetings de campagne du parti de Narendra Modi, si bien que l’on ne sait plus qui - de la politique ou du cinéma – travaille pour l’autre.
Des acteurs qui se présentent aux élections
Les liens entre ce parti et le 7è art vont même plus loin : l’acteur qui dans le film joue le conseiller à la sécurité du Premier ministre est par ailleurs député du parti de Narendra Modi. En Inde, les stars de cinéma sont parfois vénérées comme des dieux, et comme le système politique est lui-même centré sur les personnalités, les acteurs se présentent naturellement aux élections. Un acteur extrêmement célèbre dans le sud du pays, le plus grand héros du cinéma tamoul, Rajeenikanth a créé l’an dernier son propre parti - avec le soutien des nationalistes. Quand il a sorti un film, quelques mois plus tard, on a vu des fans casser des noix de coco et verser du lait sur des affiches, en signe d’adoration.
Après Uri ou Battalion 609, d’autres odes nationalistes devraient bientôt apparaître sur grand écran. Le 26 février, quelques heures à peine après les frappes indiennes au Pakistan, des producteurs de cinéma sont en effet allés déposer des titres de films inspirés de ces faits de guerre. Ils n’auront toutefois pas le temps de sortir en salle avant les élections, prévues autour du mois d’avril.
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