Au Japon, le coût faramineux des funérailles de Shinzo Abe n'est pas du goût de tout le monde
Le gouvernement japonais a décidé d'organiser des obsèques nationales pour l'ancien premier ministre assassiné en juillet. Mais la facture de ces funérailles vient d'être dévoilée et elle fait grincer des dents.
La cérémonie est prévue le 27 septembre à Tokyo. Et elle s’annonce déjà comme un événement international. Cinquante chefs d’État sont attendus (mais pas Emmanuel Macron), plus de 6400 personnes sont annoncées dans les différentes délégations étrangères, provenant de 190 pays. Et l’organisation s’annonce donc très coûteuse pour le Japon. Le budget, dévoilé mardi 6 septembre, est estimé à 12 millions d’euros. C’est six fois plus que l’estimation initiale. La cérémonie en elle-même coûtera 2 millions : elle aura lieu au Budokan, cette salle célèbre pour ses grands concerts (les Beatles, Bob Dylan, Eric Clapton notamment s’y sont produits). Et elle a été confiée à une entreprise privée, Murayama, soupçonnée par le passé d’avoir contourné les appels d’offre des marchés publics. Plus cher encore : il faudra assurer la sécurité des hôtes étrangers : 6 millions. Les forces de police seront évidemment renforcées. Et les frais de réception sont eux estimés à 4 millions.Le tout va donc s’opérer sur fonds publics avec un budget spécifique. L’opposition dénonce une explosion des coûts. Et la controverse est alimentée par la situation économique : le Japon, comme tout le monde, voit les prix monter.
Un personnalité nationaliste controversée
Ce n’est pas seulement la facture qui déclenche la controverse. Le principe même de ces funérailles ne fait pas l’unanimité. L'assassinat de Shinzo Abe, début juillet, a suscité évidemment beaucoup d’émotion dans le pays et un peu partout dans le monde. Mais l’organisation de funérailles nationales a un parfum de retour au régime impérial d’avant la Seconde Guerre mondiale. Et ça n’est donc pas du goût de bon nombre de Japonais : 400.000 d’entre eux ont déjà signé une pétition en ligne pour s’opposer à l’utilisation de l’argent public à cette fin. Et en milieu de semaine dernière, une première manifestation s’est même déroulée dans les rues de Tokyo aux cris de "Non à l’utilisation de nos impôts et de l’argent de l’État, non à des minutes de silence, non aux drapeaux en berne, nous sommes contre des funérailles nationales".
L'opposition de 56% des Japonais
Cette contestation s’explique : Shinzo Abe, très connu à l’international, était en revanche beaucoup plus controversé au Japon. Certes il est resté près de 9 ans au pouvoir. Mais il a soufflé sur les braises du nationalisme, par exemple en se rendant dans un célèbre sanctuaire de Tokyo, Yasukuni. Ses mandats ont été marqués par plusieurs scandales politico-financiers. Sa gestion du Covid a été critiquée. Ses relations avec Donald Trump et Vladimir Poutine également. Et ses liens supposés avec la secte Moon ont fait couler beaucoup d’encre. Ces liens constituent d’ailleurs la justification avancée par son meurtrier pour expliquer son geste. Donc tout ça finit par empoisonner le nouveau gouvernement en place. Selon un sondage publié il y a quelques jours, 56% des 126 millions de Japonais sont opposés à ces funérailles nationales. Et la côte de popularité de l’actuel Premier ministre, Fumio Kishida, est en forte baisse. D’autant plus que plusieurs élus de son parti sont eux aussi soupçonnés de liens avec la secte Moon. Ces funérailles du 27 septembre ne seront donc pas uniquement un moment de recueillement.
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