Argentine : la politique économique de Javier Milei risque de nécessiter un appareil répressif rappelant la dictature

Javier Milei a été élu président de l'Argentine, dimanche 19 novembre, avec plus de 55% des voix. Le candidat a réussi à convaincre les électeurs qu'avec sa fougue antisystème et ses idées libertariennes, il pourrait relever le pays embourbé dans une inflation à 140%. Un nouveau président au profil aussi détonant qu'inquiétant.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
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Les partisans de Javier Milei ont célébré sa victoire à l'Obélisque de Buenos Aires le 19 novembre 2023. (JUAN MABROMATA / AFP)

Javier Milei se félicite d’être le premier président anarcho-libertarien de l’histoire de l’humanité. Plébiscité par presque 56% des Argentins, dimanche 19 novembre, il s’apprête à renverser la table avec une politique "dégagiste". Il compte supprimer les ministères de l’Éducation, de la Santé, de l’Environnement, réduire au maximum la place de l’État et privatiser à tous les étages pour relancer l’économie. Tout cela en convoquant le souvenir d’une période que l’on pensait révolue en Argentine, celle de la dictature.

Réhabiliter les victimes des communistes

Le "régime des généraux", de 1976 à 1983, fut une période de terreur durant laquelle les historiens ont documenté les exécutions de 15 000 personnes, l’exil de 1,5 million d’Argentins et la disparition de 30 000 opposants politiques. Depuis qu’il est candidat, Javier Milei peut compter sur la détermination de Victoria Villaruel pour tordre ces faits historiques et justifier la politique répressive du général Videla. Dans quelques semaines, cette avocate députée, fille d’un colonel argentin, sera nommée vice-présidente.

Cette dame a consacré une grande partie de sa vie à réhabiliter les victimes faites par l’opposition à la dictature. Elle ne soutient pas à proprement parler la junte militaire de la fin des années 1970, mais elle souhaite démanteler le Mémorial de la dictature, haut lieu de la torture militaire, qu’elle souhaite transformer en lieu de plaisir pour tout le peuple argentin. Elle réclame aussi de pouvoir rendre hommage à "ses morts", à savoir les victimes des groupes armés communistes, opposés à la dictature : "Ici en Argentine, il y a les morts qui méritent des larmes et ceux que l’on enfouit dans les profondeurs de l’Histoire. Ce 'deux poids, deux mesures' que veut nous imposer la gauche ne nous fait pas peur. Nous n’arrêterons pas de célébrer nos morts, jusqu’à notre dernier soupir."

Les politiques qu'il porte "ne s'appliquent qu'avec une forte répression"

Victoria Villaruel a longtemps rendu visite en prison au général Videla, pour les besoins, dit-elle, d’un livre en hommage à ceux qui se sont battus pour défendre la dictature. La future vice-présidente dénonce les actions, qu’elle qualifie de terroristes, des Montoneros, ou Armée révolutionnaire du peuple, ces groupes armés de l'extrême gauche argentine, qui sont sur la même ligne politique que l’actuelle députée Miriam Bregman. Celle-ci dénonce : "Vous savez pourquoi Villaruel me coupe la parole ? Vous savez pourquoi Milei se revendique du négationnisme ? Parce que les politiques qu’ils portent sont celles du ministre de l’Économie pendant la dictature, des politiques qui ne s’appliquent qu’avec une forte répression."

L’arrivée de Javier Milei fait ressurgir le spectre de l’appareil répressif argentin et met en état d’alerte tous les contre-pouvoirs du pays. Son projet politique radical, anti-système, implique des mesures parfois inconstitutionnelles, souvent en dehors de ses futures compétences. Il est donc fort probable que Milei en vienne à gouverner par décrets, forcément sources d’embrasement social. Javier Milei a donc bien pris soin de fidéliser le vote des militaires pendant toute la campagne.

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