PIB : vers une croissance en trompe l’œil ?
L'information était restée secrète : nous avons découvert une nappe géante de pétrole sous le Champs de Mars à Paris nous imposant de transformer la Tour Eiffel en un gigantesque derrick. Miracle économique ? Non, pas de miracle. Nous ne sommes pas non plus le 1er avril. nous ne sommes qu'un modeste jeudi 15 mai 2014, jour d'entrée en vigueur des nouvelles règles de la comptabilité nationale, autrement appelée le nouveau " Système européen de comptes ".
De quoi s'agit-il exactement ? Depuis des décennies, les grands indicateurs économiques comme le PIB – le Produit Intérieur Brut qui reflète la richesse produite par nos entreprises –, mais aussi la consommation des ménages ou le déficit des administrations publiques, étaient calculés selon des méthodes et des nomenclatures internationales, édictées après-guerre par les Nations-Unies pour les rendre facilement comparables entre pays. Ces dernières années à Bruxelles, les laborantins de la croissance ont réfléchi à un système propre à l'Europe pour mieux coller aux mutations des grands équilibres économiques sur le Vieux Continent. C'est cette nouvelle comptabilité que l'Insee publie à partir d'aujourd'hui.
Qu'est-ce que cela change sur le fond ? Prenons deux cas précis. Les dépenses de Recherche et Développement sont désormais intégrées dans les investissements directs. Ce n'était pas le cas auparavant. Elles entrent donc dans la formation du PIB qui, du coup, voit son niveau mécaniquement relevé. Officiellement, l'intégration de la R&D a été décidée pour mieux prendre en compte le poids croissant de la propriété intellectuelle dans notre économie. Autre cas : l'augmentation de la valeur ajoutée concernera aussi désormais les administrations publiques. Les achats de bases de données informatiques ou d'équipement militaires (chars d'assaut et missiles notamment) seront considérés comme des investissements entrant dans la formation de la richesse nationale. Là encore, le PIB prendra quelques points au passage.
Réalité ou trompe l'œil ? Pour parler clairement, nous aurons à l'avenir des chiffres de croissance plus hauts que ceux auxquels nous étions habitués jusqu'à présent, mais cela relèvera uniquement de la statistique. La France ne sera pas plus riche pour autant. Quant à notre dette, le poids de son remboursement et nos déficits, rien ne changera non plus sur le fond. En revanche, sur la forme, le niveau de la dette par rapport à la richesse nationale gonflée à l'hélium apparaîtra automatiquement plus avantageux. Un peu comme une entreprise en déficit qui gonflerait son bilan pour apparaître en meilleure santé. Pour preuve ce matin : grâce à ces nouvelles normes comptables, l'Insee annonce que fin 2013 la dette de la France s'est élevée à un peu moins de 92% du PIB alors que le chiffre précédent approchait les 95%. Psychologiquement rassurant, économiquement peu convaincant.
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