Fusion EADS-BAE Systems, une occasion manquée pour l'Europe
L'occasion de montrer pour la première fois depuis bien longtemps que les européens étaient capables de se mettre enfin d'accord sur un dossier concret. Pas celui de la fiscalité, de la sécurité ou de défense commune - véritables miroirs aux alouettes. Non. Grâce à des entrepreneurs privés, un géant de l'industrie aéronautique aurait pu voir le jour pour enfin asseoir l'Europe sur la scène internationale et rivaliser avec les géants mondiaux du secteur. Soulagé de ne pas voir naître un concurrent sérieux, Boeing peut se réjouir, les américains rire. Le Wall Street Journal ne s'en est d'ailleurs pas privé dès l'annonce de l'échec en écrivant : ''l'Union européenne ne sait décidément pas mettre en avant ses entreprises... à défaut de la cause commune, c'est toujours les causes nationales qui l'emportent''. Un affront pour le patron d'EADS, Tom Enders, qui voulait justement se départir de l'emprise des Etats. Peine perdue. Son rêve d'ambassadeur européen s'est envolé en quelques heures sous la pression évidente d'une Allemagne inquiète de perdre sa souveraineté. Au cours des négociations, Berlin n'a jamais dit clairement non mais n'a cessé de multiplier les mauvaises excuses.
Mais si le projet portait autant d'espoirs, pourquoi les marchés financiers ont salué l'arrêt du processus de fusion (le titre EADS a pris plus de 5% hier à la bourse de Paris) ?*
Depuis l'annonce de la perspective de fusion mi-septembre, l'action EADS avait perdu 18%. Les opérateurs avaient anticipé les difficultés politiques. Le projet mort né, ces incertitudes n'ont plus lieu d'être et le titre a repris des couleurs. Mais pour combien de temps ? Nul ne sait. On peut craindre maintenant une crise de gouvernance au sein d'EADS. Tom ENDERS va mettre en place une nouvelle stratégie. On verra l'attitude des actionnaires.
Et si on regarde plus loin que le seul avenir d'EADS ?
Côté britannique, c'est celui de BAE Systems qui est clairement posé. Le groupe a pris le tournant du tout militaire en 2000 et subit aujourd'hui de plein fouet la réduction des budgets de défense. On peut donc imaginer, à terme, un BAE en vente. Le problème est de savoir qui rachèterait le groupe britannique ! Une affaire à surveiller de très près car, même avec ses concurrents, on sait ce que l'on perd mais on ne sait jamais ce que l'on gagne. Quant à la France, c'est le Wall Street Journal qui a raison : on va se replier sur nos bases. Celui qui avait tout intérêt à voir échouer la fusion EADS/BAE, est le groupe DASSAULT, qui milite aujourd'hui pour son rapprochement avec THALES et SAFRAN. Projet baptisé " France AEROSPACE " que certains voient déjà comme une énième rampe de lancement de l'avion de combat RAFALE, le bébé de DASSAULT qui a beaucoup de mal à s'imposer sur la scène internationale.
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