Déficits et compétitivité de la France : dernier coup de semonce de Bruxelles
C'est la suite de la longue litanie des reproches de
Bruxelles à une France qui ne bouge pas assez. Il y a une dizaine de jours,
lors de la publication de ses prévisions de printemps, la Commission avait mis
l'accent sur le risque de voir nos finances publiques déraper : nous
n'atteindrons pas en 2015 l'objectif de 3% de déficit par rapport à la richesse
produite comme nous nous y étions engagés. Et bien cette fois, Bruxelles nous dit que, malgré les mesures
prises, le compte n'y est toujours pas.
Le coût du travail reste trop élevé et
pèse sur les marges des entreprises. Quant au niveau de la dette (au-dessus de
95% du PIB) il risque d'exposer le pays à des turbulences sur les marchés
financiers comme au plus fort de la crise de l'euro, mais aussi de mettre en danger
l'ensemble de l'Eurogroupe. Nous voici donc placés sous " surveillance
renforcée ".
" Surveillance renforcée ", c'est le terme
officiel. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Le malade France est comme le patient sur le lit
d'hôpital que le médecin de service vient voir plusieurs fois par jour pour
vérifier la température. Paris rechigne à suivre le traitement prescrit et le
toubib se fâche. Un camouflet pour la deuxième économie de la zone euro. On se
retrouve dans la même salle de réveil que l'Espagne, l'Irlande et la Hongrie
qui viennent tout juste de sortir de leur plan d'aide financière. Seules la
Croatie, la Slovénie et l'Italie ont une santé plus chancelante que la notre.
En décrochant de l'Allemagne qui, elle, se voit au contraire
reprocher ses excédents commerciaux, la France est en train de se déplacer
dangereusement vers les des pays du Sud de l'Europe en sérieuse difficulté. Elle
reste aux urgences, à proximité du bloc opératoire.
Comment s'écrit la suite de l'histoire ?
Si aucune mesure corrective n'est transmise à Bruxelles
dans les prochaines semaines, la Commission recommandera des sanctions
financières contre Paris, comme le lui permet le nouveau cadre législatif dont
elle s'est dotée. Cela interviendra au mois de juin. C'est très court,
certainement trop court, pour ajuster la trajectoire de nos finances publiques.
Le ministre de l'Economie ne peut que réaffirmer
solennellement l'engagement de la France. Interrogé mercredi soir dans
l'émission " Questions d'Info " sur France Info et La Chaine
Parlementaire avec l'AFP et Le Monde, Pierre Moscovici a insisté sur le fait
que " engagement " était un mot très fort et que tout serait fait
pour le respecter.
Doit-on aussi en tirer une leçon pour Bruxelles ?
Oui. A force d'enfoncer le clou de cette manière,
l'Europe assume son rôle de gardienne du temple mais renforce du même coup son
image de donneuse de leçon. A deux mois des élections européennes, la
Commission doit veiller au grain tout en se gardant d'ouvrir un boulevard aux
partis du "raz le bol" qui montent dans les enquêtes d'opinion. C'est
toute la difficulté de l'exercice.
Comme chacun doit prendre ses responsabilités, comptons
sur les partenaires sociaux pour s'accorder sur le Pacte du même nom et
permettre à Paris d'envoyer les bons signaux. Hier, syndicats et patrons ont
avancé mais nous restons au niveau du débat par branches professionnelles. Il
faut aller plus vite.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.