Banques centrales et petites ficelles
« C’est Noël avant l’heure » déclaraient hier plusieurs analystes financiers après que les banques centrales du Canada, d’Angleterre, du Japon, de Suisse, mais aussi la Réserve fédérale américaine et la BCE, aient annoncé leur intention d’intervenir de manière concertée pour aider l’Europe. Aider l’Europe, mais aussi et surtout, l’économie mondiale au sens large. Une telle initiative ne s’était pas produite depuis la crise de 2008 et la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. C’est dire que l’heure est grave.
Que proposent concrètement les six banques centrales en question ?
Et bien de prêter de l’argent aux banques commerciales. On n’a pas cessé de le dire ces derniers mois : ne se faisant plus confiance entre elles, les banques privées ne se prêtaient plus d’argent. Le Japon et les Etats-Unis - dont les craintes d’une violente répercussion de la crise européenne sur leur économie ne faisaient que monter ces derniers temps - vont donc prêter, à des taux intéressants, du dollar ou d’autres devises aux établissements qui en font la demande.
Cette bouffée d'oxygène sera-t-elle suffisante ?
Non. Tout reste à faire. D’abord, ce n’est pas l’intervention concertée des six banques centrales qui va régler les questions de gouvernance économique de la zone euro. Ensuite, les dettes ne vont pas être effacées du jour au lendemain comme par enchantement ; et puis de l’argent prêté à bon compte et plus facilement peut, certes, aider à passer les moments difficiles mais cela ne créé pas une véritable politique de croissance. Sans vouloir jouer les Cassandre, je dirai que c’est une rustine supplémentaire collée sur le pneu Europe totalement dégonflé, un cautère sur une jambe de bois. Un de plus après celui annoncé la veille par les ministres européens des Finances : demander à la Banque Centrale Européenne de prêter de l’argent au Fonds Monétaire International pour que lui-même revienne prêter le même argent à l’Italie et l’Espagne… pour éviter de violer les traités européens qui interdisent à la BCE de prêter massivement aux pays de la zone euro. Plutôt que de réformer une bonne fois pour toutes, on colmate les brèches.
L'initiative des banques centrale annoncée hier n’est pas dénuée de bon sens mais elle se limite au court terme. On attend, on contourne le principal obstacle qui est de plus en plus évident : construire le fédéralisme qui permettra à l’Europe de mieux maîtriser ses budgets en amont, notamment par un contrôle et un suivi renforcés. Construire les arcanes d'une nouvelle instance politique, donner plus de pouvoir à la cour européenne de justice pour infliger d'éventuelles sanctions, renforcer le rôle la Banque Centrale Européenne... en fin de compte, le plus difficile est de mettre tout le monde d’accord. A ce rythme, il est difficile d’imaginer le prochain sommet européen des 8 et 9 décembre comme le Grand Soir de l’Europe de demain.
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