Alstom : le retour de l'Etat stratège
Après trois jours de tractations, un accord a été trouvé avec Bouygues. C'est très complexe. Mais il permet à l'Etat d'entrer au conseil d'administration d'Alstom. Et c'est l'essentiel. C'est ce que souhaitait le gouvernement. Dimanche, ils sont tombés d’accord pour se donner du temps. Car l'Etat veut acheter les actions à 28 euros, Bouygues veut les vendre à 35. Ils se donnent donc du temps, 20 mois, pour que l'Etat prenne 20 % du capital d'Alstom. Mais d'ici là, Bouygues cède ses droits de vote à l’Etat français. Il lui fait une place au conseil d'administration.
Et c'est précisément ce que recherche le gouvernement : il veut s’assurer que les conditions de l’accord entre Alstom et GE seront bien respectées. Qu’il n’y aura pas de mauvaises surprises, par exemple une prise de contrôle plus forte de l’entreprise américaine, le départ de centres de décisions, de technologies, ou d’emplois…
Rien à voir avec le précédent sauvetage d’Alstom. En 2004, déjà, l’Etat avait pris un peu plus de 20% du capital d’Alstom. A l’époque, c’était pour sauver l’entreprise de la faillite. Le soutien était d’ordre financier. Cette fois, c’est pour veiller aux intérêts industriels de la France, exercer "une vigilance patriotique", selon l’expression d’Arnaud Montebourg.
Ce n’est pas la première fois cette année l'Etat entre au capital d'une entreprise française. Il y a eu PSA . Est-ce un changement de stratégie ?
PSA, effectivement dont l’état a pris 14% du capital, en avril dernier. Aujourd'hui, Alstom. Demain peut-être Ecomouv, l’entreprise qui doit collecter la future taxe poids lourds. Le Premier ministre a laissé entendre dimanche que l’Etat pourrait entrer à son capital. C'est le retour de l'Etat stratège.
Alors l’état actionnaire, ce n’est pas neuf : il investit 110 milliards d’euros dans plus de 70 entreprises – EDF, Renault, la Française des jeux. L’Agence des participations de l’Etat s'en occupe, vend certaines actions pour en racheter d’autres. C'est d’ailleurs ce qui financera l’entrée au capital d’Alstom.
Mais ce qui est nouveau, c’est la façon dont l’Etat gère ses participations dans des entreprises. Pendant longtemps, il cherchait surtout à ce que cela lui rapporte. L’an dernier, il a perçu 4,5 milliards de dividendes. Désormais, et c’est récent, l’Etat veut être un actionnaire actif et soutenir des entreprises ou de secteurs stratégiques. Ce tournant est défendu par Arnaud Montebourg, le très interventionniste ministre de l'Economie.
Mais est-ce efficace ?
Evidemment, ça l’est moins que lorsque l’Etat est actionnaire majoritaire d’une entreprise (comme c’est le cas chez EDF) ou a un droit de blocage. Mais cela a aussi une portée symbolique forte. C’est un message aux investisseurs étrangers pour leur signifier que l’Etat est prêt à intervenir.
C’est aussi un message aux Français : insister sur l’entrée de l’Etat au capital d’Alstom, c’est aussi pour tenter de faire oublier que General Electric a pris 50% des activités énergies d’Alstom (pour certaines c’est même 100 % pour certaines). Faire oublier donc qu'au moins la moitié de ce fleuron industriel français est désormais sous pavillon américain.
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