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Le héros est sans-papiers

C'est l'histoire d'un sans-papiers qui sauve un homme de la noyade à Toulouse et à qui la préfecture promet une médaille en récompense. C'est l'histoire d'un sans-papiers qui se fait interpeller dans un squat. C'est l'histoire d'un sans-papiers qui se retrouve en centre de rétention administrative. C'est l'histoire d'un sans-papiers qui risque l'expulsion. C'est l'histoire de Rachid Djaoued...
Article rédigé par Guy Birenbaum
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Franceinfo (Franceinfo)

Ce matin l’autre info est à Toulouse…

C’est la Dépêche du Midi qui relate l’histoire de Rachid Djaoued. Nous sommes en septembre. Il est une heure du matin. Rachid Djaoued, 24 ans, traverse le pont Neuf à Toulouse. Un homme assis sur le parapet se jette dans la Garonne. Rachid plonge, le rattrape et le sauve. Il attend que les pompiers et la police arrivent. Il leur laisse son adresse et son numéro de portable. Rachid explique que quelques jours plus tard, la préfecture de la Haute-Garonne le contacte pour lui promettre une médaille.

Mais la suite, ça n’est pas une médaille…

Non. jeudi 20 novembre, le même Rachid est embarqué par les gendarmes du Gers lors d'une perquisition matinale dans un squat. J’ai oublié de préciser que Rachid est un sans papiers venu d’Algérie il y a dix ans. Le voilà au centre de rétention administrative de Cornebarrieu qu’il connaît pour y avoir déjà séjourné l'été dernier. Là, il croise le délégué de la Cimade (l’association qui s’occupe de l’assistance juridique aux étrangers en centre de rétention). Rachid lui raconte que la veille de son interpellation, il a été contacté par un fonctionnaire de la préfecture de Haute Garonne. Il lui aurait expliqué qu'il devait rester joignable pour qu’on puisse le prévenir de la date de sa remise de décoration. Le délégué de la Cimade contacte alors la préfecture qui lui confirme que Rachid doit être décoré. La Dépêche du Midi contacte à son tour la préfecture. C’est plus flou. Le directeur de cabinet confirme que Rachid a bien été contacté pour s’assurer qu'il était l'auteur du sauvetage mais la décision de le décorer ne serait pas prise. En tous cas Rachid n’est pas médaillé mais en centre de rétention avec une obligation de quitter le territoire français délivrée par le préfet du Gers.

Qu’a décidé la Justice ?

Rachid Djaoued ne sera pas expulsé vers l’Algérie. Le 26 novembre, le juge des libertés et de la détention a considéré que le jeune homme avait été interpellé de manière irrégulière. Sur leur procès-verbal d'intervention, les gendarmes du Gers affirment avoir pénétré dans le squat dans le cadre d'une procédure de flagrant délit. Or comme me l’a précisé l’avocate de Rachid, ils ont pénétré dans un domicile privé dans le cadre d'une procédure de flagrance, mais sans avoir préalablement constaté d'infraction. Rachid est donc libre. Pas à cause de son héroïsme mais parce que la validité de l'intervention des gendarmes n’a pas été établie. Heureusement que Rachid ne s’est pas demandé avant de se jeter dans la Garonne s’il faut des papiers français pour sauver un homme de la noyade. Madame Morano ne devrait-on pas régulariser Rachid ? Comme deux sans-papiers tunisiens qui avaient sauvé plusieurs personnes d’un incendie, début juin, à Aubervilliers et qui ont été régularisés par la préfecture de Seine-Saint-Denis, eu égard à leur comportement exemplaire ?

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