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Si j'étais... Le soldat inconnu

Chaque année, lors des cérémonies du 11 novembre commémorant la fin de la Grande Guerre (1914-1918), on rend hommage au Soldat inconnu. Pour l'occasion, Karl Zéro s'est glissé dans son uniforme. 

Article rédigé par franceinfo - Karl Zéro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe à Paris.  (LIONEL BONAVENTURE / POOL)

Aujourd’hui, c’est un peu mon anniversaire. On célèbre l'armistice, j’attends du beau linge qui va me faire une petite visite, comme tous les 11 novembre. Je réside sous l’Arc de Triomphe depuis 1920, avant je n'étais qu’un pauvre tas d’os non identifié dans un trou d’obus.

On était mélangé avec des boches, ils ont ramassés ce qu’ils ont pu, sur huit fronts différents. Mais comment savoir si un tibia est Français ou Fritz ? On nous a mis dans huit cercueils, j'ai été choisi parmi huit cercueils alignés. C’était un engagé de 19 ans qui était chargé de choisir, commis épicier dans le civil à Port-en-Bessin, Auguste Thin, du 132 ème régiment. Et comme 1+2+3 ça fait 6, il a pris le 6ème cercueil et c’était moi !

A l'époque, le 11 novembre parlait aux gens 

Je suis "l’enfant de tout un peuple en deuil et chaque mère pourra dire, s’inclinant sur ma dalle : c’est peut-être le mien." Ce n'est pas de moi, c’est de Dorgelès, je ne sais pas trop qui c’était, mais ça sonne bien, comme un clairon. 

Si j’étais Le Soldat inconnu, je vous dirais que la flamme au dessus de ma tête, ils ne l’ont mise qu’en 1923, c’est joli et ça me tient chaud. A l’époque, le 11 novembre ça parlait aux gens, et pas qu’un peu : les Champs-Elysées étaient noirs de monde…Par contre le 11 novembre 1940, la cérémonie étant "verboten par les schleus", il n’y a eu que 5000 minots, des lycéens et des étudiants à avoir les couilles de venir. Les allemands n'ont pas aimé du tout cette manif de gosses, ils ont rappliqué dare-dare et les ont foutus en taule. L’année suivante, les boches étaient seuls à défiler sur les Champs…en m’évitant consciencieusement. Je les ai empêchés de passer sous l’Arc. Privés de Triomphe, les barbares !

En 44, j’ai vu de Gaulle et Churchill, bien content qu’on ait remis la pâtée aux germaniques ! Ceux-là, je les ai à l’oeil et l’autre fois, quand Madame Merkel s’est pointée en 2009 avec Sarkozy, j’étais… circonspect : je me suis retourné dans ma tombe pour plus la voir ! Depuis quand célèbrent-ils leur défaite, les casques à pointe ? Ils se tenaient par la main en plus, c’était horrible, alors du plus fort que j’ai pu, j’ai gueulé : "Collabo !" mais il n'a rien entendu, le fourbe. De toute façon, en 14-18, ils étaient déjà contre nous, les austro-hongrois !

En 2008, Lazare Ponticelli, le dernier poilu vivant, a cassé sa pipe, à 110 ans. Mon dernier poto. Chaque année, il était là, mon Lazare, à grelotter, de plus en plus rabougri, vacillant sous le poids des ans et des médailles. Faut pas vieillir, hein. Il avait beau s’appeler Lazare, personne n’est venu me le réssusciter, du coup je me sens un peu seul…à part aujourd’hui.

Encore du beau monde...

Celui que j’ai le plus vu c’est François Mitterrand, quatorze fois ! Lui adorait les cérémonies, tout ce qui touche au souvenir, à l’histoire et surtout à la mort. Dès fois, il était un peu lugubre, il me faisait peur avec son teint cireux et son écharpe rouge, il restait debout des lustres, il priait. C’était un vrai patriote, presque trop même, il a aussi fait fleurir la tombe de Pétain, jusqu’au bout.

Hollande, lui, il est vraiment bizarre. Il vient tout seul avec sa motocyclette, à croire qu’il n'a pas de femme, toujours en petite veste même si ça caille. Avec lui, comme il pleut depuis 5 ans, ses lunettes s’embuent, on dirait qu’il pleure, mais je crois surtout qu’il pense à son déjeuner ou qu’il digère. Mais cette année, c’est sa der des ders, il va faire un geste à ce qu’il paraît : me faire faire des tests ADN pour déterminer comment je m’appelle ! Après, il suffira de comparer mon ADN avec celui des familles des 252 800 disparus de 14-18. Ca en fait du monde ! Déjà que pour la fille d’Yves Montand ils ont galéré, alors… Allez, à l’an prochain !

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