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Question de société. Jean Viard : "L'écologie aujourd'hui est un bien commun des partis démocratiques, c'est ça qui se passe"

Depuis 7 heures ce samedi 25 septembre, les 122 000 inscrits à la primaire écologiste peuvent voter pour désigner celui ou celle qui portera le projet des Verts à l'élection présidentielle. Les résultats seront connus mardi 28 septembre. Le décryptage du sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS. 

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
122 000 inscrits à la primaire écologiste ont voté samedi 25 septembre pour choisir leur candidat à l'élection présidentielle. Résultat mardi 28 septembre. Sandrine Rousseau à gauche et Yannick Jadot à droite.  (JOEL SAGET / AFP)

122 000 personnes inscrites à la primaire écologiste peuvent voter depuis ce matin 7h, pour désigner celui ou celle qui portera le projet des Verts à l'élection présidentielle. Les résultats seront connus mardi prochain. Ce sera soit Yannick Jadot, arrivé en tête du premier tour, soit Sandrine Rousseau, avec une opposition de style et de vision politique. Le débat, on l'a entendu sur franceinfo, a été vif entre les deux candidats.

franceinfo : Sandrine Rousseau assume le mot de radicalité, quand Yannick Jadot, lui, défend avant tout une écologie qui agit. Jean Viard, vous nous répétez qu'il y a besoin d'une révolution climatique, est-ce qu'il vous semble que les Verts, que la France plus globalement, sont à un moment peut être décisif dans la vision de l'écologie politique ? 

Jean Viard : Je ne dirais pas les choses comme ça. Le désir de radicalité, il est dans toute la société, la moitié des Français ont envie de politique très radicale, c'est d'ailleurs le sous-titre de mon livre précédent, La page blanche, il y a un an, c'était justement 'Un immense besoin de radicalité'. Je sens monter ce désir de radicalité, mais je dirais qu'il peut, aussi bien, aller vers Monsieur Zemmour, que vers les écolos radicaux ; en gros, dans les différents camps, il y a maintenant des volontés d'être plus brutal, que ce soit sur l'immigration ou effectivement, sur les questions climatiques. Je crois qu'il faut bien l'entendre.

Mais après, je suis très profondément convaincu que la lutte contre le réchauffement climatique est l'enjeu vital du XXIe siècle et qu'on n'est plus en train de discuter de modes de vie, on est en train de discuter de la vie tout court. On est en train de changer de perspective, et je pense que cette grande pandémie que nous sommes encore en train de vivre, nous a montré à quel point le rapport entre l'homme et la nature était devenu ingérable.

Je pense qu'on l'a compris. Après, est-ce que le débat, il est à l'intérieur du parti des Verts ? Je dirais pas tellement. Je veux dire que d'une certaine façon,c'est un parti influent, c'est très bien pour eux d'avoir eu 122 000 inscrits, il faut quand même le saluer, même si on ne sait pas exactement qui c'est. Mais moi je pense beaucoup plus qu'ils ont été des lanceurs d'alerte. Ils ont effectivement mis en route depuis longtemps, depuis René Dumont en 74, je le rappelle toujours, c'était le début des enjeux, ils ont mis ça en avant, avant tout le monde, issu d'ailleurs beaucoup de la culture allemande, issue elle-même du protestantisme, c'est-à-dire d'un rapport à la nature qui est arrivé d'abord par les cultures protestantes qui sont beaucoup plus proches de la nature que nous, pour des raisons historiques.

Et d'ailleurs, ce n'est pas un hasard si, aux dernières municipales, le fait que les catholiques se soient rapprochés du mouvement Vert, a donné beaucoup d'élus catholiques Verts, dans beaucoup de villes. Ils se sont d'ailleurs eux-mêmes définis comme catholiques, mais après, je pense que pour la plupart des Français, ils ont envie que les grands partis de gouvernement aient des politiques écologiques, radicales et puissantes. Mais je ne pense pas qu'ils attendent de donner le pouvoir aux Verts. Par contre, 58% des gens disent : si on avait un président écologique, ça serait génial. Donc, on est dans cette contradiction. Je pense qu'il faut dire que l'écologie aujourd'hui est un bien commun des partis démocratiques, et c'est ça qui se passe. 

Un besoin de radicalité pour porter l'écologie, est-ce que vous pensez qu'il y a là quand même une question de génération ? 

Il y a une question de génération, mais pas seulement. D'abord, je vous rappellerai que dans le dernier rapport du GIEC, ils disent très clairement qu'il faut augmenter le nucléaire de 150 à 500%. Il y a une question fondamentale, c'est que les Verts ont été fondés sur la lutte antinucléaire et que la lutte anti-nucléaire n'est plus l'enjeu. La majorité des Français, et ça augmente, ont compris que le nucléaire est une des solutions, en tout cas un relais de court terme, pour lutter contre le réchauffement climatique.

Les Allemands ont finalement remis du charbon, ce qui est complètement absurde. Après les jeunes, si les jeunes ne sont pas radicaux, alors on ne sera jamais radical dans la vie. Je pense que la pandémie a accentué ces phénomènes de façon extrêmement forte. Mais après, l'enjeu est tellement vital que les personnes âgées qui ont des petits enfants sont très sensibles à la question du réchauffement climatique qui est devenu un souci majeur de toute la société, avec le risque que les jeunes - d'abord ils sont 59% à penser que l'humanité va disparaître et en plus, ils sont 30% à dire : moi je ne ferai peut-être pas d'enfants - je veux dire qu'il est très possible que de tout cela, sorte une diminution de la population en France et dans le monde, avec l'idée qu'on ne va pas mettre des enfants dans une situation aussi difficile.

On est vraiment à un point de tension extrême. Mais n'oublions pas que par un geste humaniste extraordinaire, on a arrêté le monde pour sauver les plus vieux, les plus forts et les plus malades. On n'a jamais fait un geste aussi humaniste de toute l'histoire de l'humanité. On a des ressorts culturels et politiques de lutte considérables qu'on a affirmés ; c'est vers eux qu'il faut se tourner.  

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