Quand le divorce impacte le niveau de vie des enfants de parents séparés : "Nous devons accepter que la discontinuité soit la règle, pour le travail, le logement et la famille" souligne le sociologue Jean Viard

Selon une étude publiée cette semaine, les enfants de parents divorcés voient leur niveau de vie baisser de près de 20%, en moyenne, la première année. Comment les aider et comment aider leur maman (qui en ont la garde dans 80% des cas) ?
Article rédigé par franceinfo - Jean Viard
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Publié Mis à jour
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Dans 80% des cas, ce sont les mamans qui ont la garde des enfants après une séparation, et souvent leur niveau de vie diminue. (ANNE-SOPHIE BOST / MAXPPP)

L'étude a été publiée par France Stratégie et l'Institut national d'études démographiques. Elle montre que, chaque année, plus de 400 000 enfants qui voient leurs parents divorcés subissent une baisse de leur niveau de vie baisser de 19 %, en moyenne, la première année. L'analyse du sociologue Jean Viard.

franceinfo : Quelles peuvent être les conséquences sur le développement de ces enfants de parents divorcés ?

Jean Viard : En premier lieu, il faut savoir qu'à peu près un tiers des couples sont recomposés. Dans le même temps, deux tiers des enfants sont nés hors mariage, donc le fait de faire un enfant n'est plus inclus dans cet engagement qu'était le mariage. En second lieu, il existe une différence selon les milieux sociaux. À plus de 80%, ces enfants sont confiés à leur maman, même si on assiste à une progression de la garde alternée (depuis la loi de 2002 il y a un rééquilibrage).

2 millions de jeunes femmes vivent donc seules, avec des enfants, et ce sont souvent des mamans peu diplômées, dans des quartiers populaires. Par exemple dans les quartiers nord de Marseille, 40% des logements sont occupés par des mamans seules. La situation va souvent, pour elles, vers un appauvrissement car elles n'avaient déjà pas de richesse au départ. Ces jeunes femmes, la plupart du temps, n'ont jamais travaillé parce qu'elles ont eu leurs enfants plus jeunes que des filles qui ont été à l’université, qui sont diplômées, et qui ont eu leur premier enfant après 30 ans.

Ces enfants de couples séparés sont-ils suffisamment protégés ?

En tout cas, des progrès ont été accomplis ces dernières années. Les allocations familiales sont maintenant gérées par la CAF, et donc sont payées. En même temps, la notion de malheur est délicate à cerner : certains enfants de parents qui restent ensemble mais se battent toute la journée peuvent être plus malheureux que des enfants de parents divorcés et qui vivent plus en paix. Le monde moderne est un monde de discontinuité : c'est vrai pour le travail, c'est vrai pour le logement, c'est vrai pour la famille. Comment aider ces enfants ? Sans aucun doute d'abord en aidant les mamans quand elles sont seules, parce qu'elles sont plus pauvres. Elles ont aussi besoin de systèmes de garde d'enfants parce que, souvent dans ces quartiers populaires, il n'y a pas de crèches. On baisse de niveau de vie quand on se sépare. Puis viennent les aides, les allocations, les indemnités, et ça redémarre un peu. Ensuite, il y a ceux qui se remettent en couple, et retrouvent un niveau de vie un peu comparable.

N'est-ce pas, aussi, une question d'égalité salariale hommes-femmes ?

Certes, mais il faut revendiquer aussi une égalité de formation et, je dirais, une égalité de respect. Dans des milieux populaires, les jeunes filles n'ont souvent pas forcément été formées à des métiers. Beaucoup travaillent dans l'entretien et les ménages. Or, on les fait venir la nuit, le soir, comme s'il fallait cacher ce genre de choses. Quand est-ce qu'on acceptera qu'il y ait une femme de ménage qui passe dans son bureau au moment où on y travaille ? Cela n'a rien de scandaleux. Chaque métier est respectable.

Pour résumer, nous devons accepter que la discontinuité soit la règle : arrêtons de rêver à une société qui redeviendrait continue, comme par le passé. Adaptons nos façons de travailler, adaptons nos façons de nous protéger.

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