"Nos libertés sont réduites par cette pandémie, et tant qu'elle sera là, on ne retrouvera pas la liberté qu'on avait avant"
Demain lundi 8 novembre, c'est la rentrée après les vacances de la Toussaint. Une rentrée masquée pour les enfants de 61 départements, 40 de plus à compter de demain, parce que le taux d'incidence au Covid-19 y dépasse les 50 cas pour 100.000 habitants. Le décryptage du sociologue Jean Viard.
Question de société, comme chaque dimanche, avec le sociologue Jean Viard. Demain, lundi 8 novembre, les enfants de de 61 départements vont à nouveau être masqués pour leur rentrée scolaire, parce que le taux d'incidence au Covid-19 y dépasse les 50 cas pour 100.000 habitants.
franceinfo : C'est donc là une gestion localisée, peut-être même saisonnière du Covid dans une France qui est maintenant vaccinée. Est-ce que ça y est, c'est ça, vivre avec le virus ?
Jean Viard : Pour le moment, on ne sait pas faire disparaître ce virus. Il faut le dire simplement. On sait avec le vaccin, limiter les risques extrêmement graves. Mais le vaccin n'empêche pas la transmission. Et il y a une partie des gens qui ne sont pas vaccinés, y compris d'ailleurs les enfants de moins de 11 ans. Donc, pour le moment, il faut vivre avec le vaccin, et il faut toujours dire que le vaccin, ça va avec le masque et avec le fait de se laver les mains, c'est les trois en même temps.
Si vous ne faites que le vaccin, vous transmettez, mais vous, vous n'êtes pas très malade. Donc voyez, on est là-dessus. Dès qu'il fait froid, on n'est plus à l'intérieur, dès qu'on est plus à l'intérieur, évidemment, il y a plus de maladies, c'est une salle de classe, tous les problèmes d'aération, etc. Oui, on n'en est pas sorti, et on en est certainement assez loin. On est peut-être sorti de la phase de très haute mortalité dans les pays très fortement vaccinés comme le nôtre. Mais on n'est pas sorti du tout de cette pandémie qui va encore durer sans doute assez longtemps.
Et beaucoup de médecins alertent justement sur l'arrivée d'une prochaine vague au début de l'hiver. Une vague qui n'aurait certainement pas, évidemment, les mêmes conséquences sur l'hôpital. Il n'y a plus cette menace de devoir certainement reconfiner, appliquer de nouveau le couvre-feu. Est-ce que cela change beaucoup de choses dans la gestion de la crise par le pouvoir politique ?
La question n'est plus tellement de confiner. Elle est de ré-imposer des gestes barrières, notamment de se laver les mains/masque, masque et se laver les mains, et de le répéter tout le temps. Ce qui d'ailleurs fait disparaître aussi les autres maladies. Il faut bien se dire que si on se lavait les mains sept fois par jour sur toute la terre, plus de 80% des maladies disparaîtraient. Ce sont toutes les maladies qui sont en question, mais après, on est surtout effectivement sur le vaccin. On est là-dessus, mais c'est pour ça qu'il faut répéter qu'on est dans un processus et qu'il va y avoir des hauts et des bas.
Et regardez aux États-Unis, ils commencent à vacciner les enfants à partir de 5 ans et à un moment, pour arriver à l'immunité collective qui reste quand même l'objectif, on est sur cette idée qu'on va avancer dans cette direction. Je crois qu'il faut se dire que c'est un ennui pour nos vies, mais cet ennui peut durer peut-être des années et qu'il faut s'habituer à vivre avec, mais respecter les gestes. Et puis effectivement, à côté, vivre quand même avec une certaine liberté quand on est vacciné.
L'ennui pour nos vies, ce ne seront plus les confinements ou les couvre-feux. Maintenant, l'instrument a changé et c'est ce pass sanitaire qui peut ou pas s'appliquer dans certaines situations, à certaines périodes de temps, en fonction des taux d'incidence. Un pass sanitaire que l'Assemblée nationale doit rendre possiblement utilisable jusqu'à l'été prochain. Il y a cette donnée-là aussi ?
Oui, mais bon, je ne vais pas entrer dans le débat parce qu'il y a les élections, mais le pass, donc, c'est un couple avec le masque et les mains. Après, c'est clair qu'il y a une élection présidentielle et que, d'une certaine façon, le pouvoir qui gère cette maladie, cette pandémie, aimerait donner de l'air, c'est-à-dire qu'on ait un sentiment de liberté et que, du coup, on dise merci, monsieur le président. Évidemment, la question, c'est est-ce qu'ils vont arriver à le faire avant les élections ? Les élections sont en avril. On peut espérer qu'on aura passé le coup de l'hiver et que d'un coup, on va se trouver plus en liberté quand le soleil va arriver, que ça aidera pour les élections.
Donc vous diriez que l'acceptation du pass sanitaire aujourd'hui en France, c'est une acceptation temporaire parce qu'elle permet de vivre, mais en même temps, elle restreint nos libertés. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elle disparaisse, cette contrainte ?
Oui, c'est pour ça que j'associe toujours pass et masque. Parce que les deux sont inséparables. L'un ne remplace pas l'autre, contrairement à ce qu'on a trop tendance à dire. Et les deux sont des contraintes, y compris notre liberté, on est tout le temps contrôlé, etc. Et le masque est quand même extrêmement gênant. Bien sûr que nos libertés sont réduites par cette pandémie. Mais ce qui réduit nos libertés, c'est la pandémie. Et donc, plus on respecte les règles, plus on fait reculer la pandémie. Mais notre liberté est abîmée par cette pandémie, et tant qu'elle sera là, on ne retrouvera pas la liberté qu'on avait avant. Je crois qu'il faut le dire et l'accepter.
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