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Logement : "Il faut aller vers la densification du périurbain comme projet de société"

Dans son rapport annuel sur le mal-logement remis cette semaine, la Fondation Abbé Pierre, épingle le bilan du quinquennat Macron. Quelques bons points tout de même sur le sort des sans-abris et l'investissement dans la rénovation énergétique. Mais pour le reste, le compte n'y est pas visiblement.

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le mal-logement : comment en faire un vrai débat ?  (Illustration) (CLEMENTZ MICHEL / MAXPPP)

Chaque weekend avec Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS, et ancien candidat LREM aux élections législatives dans la 5e circonscription du Vaucluse en 2017, on essaye de mieux comprendre une actualité, dans la France d'aujourd'hui.

Dans notre pays, la part des dépenses publiques pour le logement a reculé en cinq ans pour atteindre 1,63% du PIB en 2020, un chiffre qui n'a jamais été aussi faible en 40 ans, note la Fondation Abbé-Pierre dans son rapport annuel sur le mal-logement.

franceinfo : Est-ce que la question du logement est aujourd'hui en grande partie délaissée en France ? 

Jean Viard : Au début du quinquennat, le président Macron a pensé qu'il y avait beaucoup d'argent qui allait dans le logement pour un résultat qui était mauvais, parce qu'effectivement le logement en France coûte cher, les loyers ou les remboursements d'emprunt jouent un rôle considérable dans le niveau de vie.

C'est beaucoup plus cher d'habiter et de se loger en France, par exemple, qu'en Allemagne, et en même temps, il y a une crise vis-à-vis des plus défavorisés, puisque même à Paris, on est passé de 3500 à 2600 SDF qui dorment dehors, d'après les enquêtes des maraudes. C'est mieux. Et puis, il y a deux millions de familles qui attendent des HLM.

Tout ça fait qu'on ne sait pas très bien comment prendre le problème. Alors, le président Macron a effectivement voulu freiner sur les HLM. Historiquement, on a d'abord fait du logement social. Et puis après, on s'est dit : on va plutôt aider les gens à construire des maisons individuelles, donc accession à la propriété. On s'est dit : les gens qui veulent être propriétaires, ils veulent des maisons avec jardin, et on a construit 16 millions de maisons avec jardin autour de la ville. Et en gros, 70% des Français habitent dans des maisons indépendantes.

Mais sauf que ça ne répond pas d'une part, à la question du logement en ville, des gens qui on un travail en ville, à l'hôpital, dans les bars, restaurants, etc. les milieux populaires qu'on a vu travailler dans le service pendant la pandémie. Et puis, ça ne répond pas aux plus défavorisés, pour qui la question n'est pas du tout d'acheter un logement. Ces gens très défavorisés ont besoin d'un logement pas cher dans des conditions décentes et dans des conditions écologiques acceptables.

Alors il y a eu une tentative de changer un peu de direction en 2017. Visiblement, cela n'a pas forcément porté ses fruits. Et en plus, au même moment, on est dans le débat sur l'étalement urbain. On voit très bien que les Français, depuis la pandémie, sont plusieurs centaines de milliers à avoir quitté les grandes métropoles.

Le mouvement, actuellement, n'est pas d'aller habiter en Île de France. Paris, perd peut-être 10.000 habitants par an, et sans doute quelques dizaines de milliers ces deux dernières années. Le mouvement est d'aller habiter, ou à côté de la ville, ou le long des lignes de chemin de fer, et d'essayer d'accéder à la métropole régulièrement. C'est ce qui est en train de se mettre en place.

Mais on constate que les prix, en particulier à Paris, n'augmentent pas, mais ne baissent pas vraiment, que cette question concerne donc les classes moyennes, les classes moyennes supérieures dans les grandes villes qui cherchent à se loger et pour qui, en effet, le remboursement d'un crédit ou l'investissement est énorme dans la part de leur budget.

Et de l'autre côté, il y a aussi la question du logement social : pas assez de logements construits, des coupes budgétaires dans les offices HLM, ce qui ne va pas aider à l'entretien de l'existant et puis à l'investissement dans de nouvelles constructions.
Donc, on comprend que ce problème du logement concerne un large spectre de la France aujourd'hui ? 

Oui, y compris parce que les gens, par exemple, dans le logement social, quand les enfants s'en vont, ils n'ont pas envie de déménager, c'est leur logement, c'est leur quartier, ils ont leurs voisins, etc. Alors vous louez un appartement, vous avez trois enfants, vous retrouvez plus que deux, comment vous faites ? Vous n'avez pas envie de partir en fait...

C'est pour ça qu'un des objectifs, c'était de faire acheter des appartements par les gens dans le parc social, pour créer du financement, par la vente d'un certain nombre de logements, mais cela a assez peu marché. C'est un problème extrêmement compliqué mais on n'arrive pas à faire un vrai débat.

Selon moi, il y a deux choses qui me semblent essentielles. La première, avec cette pandémie, c'est qu'on a vu que les gens du care et du service habitent généralement très loin de leur lieu de travail. Ceux-là, il faut leur donner priorité dans le logement social, à côté de leur boulot.

La deuxième chose, c'est le grand enjeu, c'est la densification du périurbain. Il faut bloquer la prise des terres agricoles, c'est central, et en même temps, on n'a pas tellement envie d'habiter en hauteur, et on ne peut pas redensifier la ville davantage, la ville a besoin qu'on mette des arbres, des jardins et de l'eau.

On peut densifier le périurbain et le structurer par des transports plus collectifs, etc. On peut multiplier les maisons, réduire les jardins, créer de la richesse. On dit à la personne qui a par exemple 2000 mètres carrés : on vous rachète 1000 mètres carrés pour 150.000 euros. Elle a alors un jardin deux fois plus petit, mais elle a récupéré 150.000 euros. Il faut aller vers la densification du périurbain comme projet de société, notamment en Île de France, et dans les Bouches-du-Rhône.  

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