Les ponts de mai confirment ce que Jean Viard appelle "le triomphe de la société du loisir"

Le covid a totalement modifié notre rapport au temps libre. Il convient dès lors de revaloriser le travail, et de réorganiser la société. Les ponts de mai en sont l'illustration parfaite.
Article rédigé par Jules de Kiss - Jean Viard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Les énormes bouchons durant le pont de cette semaine montrent que les Français s'échappent des villes durant quelques jours pour un lieu de villégiature pas trop éloigné (Illustration 21 mai 2023). (FRANCK DUBRAY / MAXPPP)

On est encore loin de la fin du mois, mais déjà les professionnels du tourisme annoncent un mois de mai historique. Est-ce seulement une affaire de calendrier – le 8 et le 9 mai se sont enchaînés en jours fériés, formant un grand pont ? Ou alors est-ce le signe que les Français, après le covid, sacralisent les vacances. Le sentiment du sociologue Jean Viard.

franceinfo : le temps libre devient-il désormais une priorité dans nos vies ?

Jean Viard : D'abord, on a traversé une crise difficile et on vit toujours avec l'inflation. Les 40% de Français qui ne partent pas en vacances sont plus pauvres qu'avant. Ceux qui partent, eux, n'ont pas tellement souffert. Ensuite, on a eu en effet une séquence de pont assez longue et je rappelle que l'étalement à n'en plus finir des vacances de printemps désorganise toute la société. Et puis il y a un effet covid, la pandémie aura marqué une date et abouti au triomphe de la société du loisir : on a été enfermé chez soi, on s'est rendu compte qu'on pouvait vivre autrement et, c'est incontestable, il y a plus de monde qui profite des ponts de mai.

Par conséquent, comment requalifier la densité du travail ?

Comme on est dans une société des loisirs, du temps libre, des vacances ou de la retraite, le travail doit être en effet revalorisé : lieu de la production, de l'innovation, de la richesse, de l'amitié, parfois de l'amour (près de la moitié des gens ont déjà eu une aventure sentimentale au travail). Il faut réaffirmer que le travail n'est pas qu'une contrainte. Il faut le densifier, l'intégrer dans la révolution numérique, l'absorber dans la semaine de quatre jours et, au fond, repenser le temps de la société. Depuis le Moyen Âge, ce qui rendait libre, c'était d'aller vers la ville, aujourd'hui, ce qui rend libre, c'est d'en sortir : nous sommes devenus des urbains qui aspirent à la nature.

Les records de bouchons, pour cette semaine, sont très frappants. Le pont de mai est affaire de proximité ?

Oui. Rouler 200 ou 300 kilomètres prend une demi-journée, voilà qui est raisonnable. L'avion reste un moyen de transport pour quitter la France, et la SNCF manque de trains (ceux qui circulent sont bondés). On part aussi en voiture parce qu'il y a les ballons, le chien, les enfants, des sacs en plus, etc. C'est extrêmement commode de mettre la famille dans une voiture et je pense que ça va rester ainsi. L'autre enjeu est maintenant de trouver des lieux de villégiature où on n'a pas besoin d'utiliser son véhicule. Autrement dit, on gagne l'impact écologique non plus sur le trajet mais pendant le séjour.

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