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Les marchés de Noël : "C'est la grande fête de l'enfance, et Noël, c'est la fête des enfants, la fête du futur, faisons le joyeusement", estime Jean Viard

Les marchés de Noël ouvrent leurs petits chalets traditionnels en ce moment, celui de Strasbourg, très célèbre, est ouvert depuis hier.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le marché de Noël à Strasbourg. (JON HICKS / STONE RF / GETTY IMAGES)

Les effluves de vin chaud, les jolis sapins décorés, les bonshommes de neige et le père Noël qui discutent dans les volutes d'encens. Ce sont les marchés de Noël qui ouvrent en ce moment, celui de Strasbourg hier par exemple. Ils sont parmi les plus réputés du monde, ceux qu'on trouve en France. Le regard du sociologue Jean Viard sur cet événement annuel très prisé dans notre pays. 

franceinfo : Pourquoi les Français aiment tant les marchés de Noël ?

Jean Viard : C'est la grande fête de l'enfance. Même dans un contexte aussi tragique, c'est la fête de l'enfance, la fête de la vie. C'est aussi, d'une certaine façon, la fête de l'amour, parce que les enfants sont le fruit de l'amour, dans une société qui est très majoritairement areligieuse. 52% des gens disent qu'ils n'ont rien à voir avec la religion, mais il y en a à peu près de 38% qui se reconnaissent dans les cultures chrétiennes, et il y a 4% des gens qui vont à la messe...

Donc Noël n'est plus une fête religieuse, selon vous ? 

Pour les chrétiens, oui, et je le respecte beaucoup, mais c'est clair qu'ils sont très largement minoritaires. Il y a 9% des Français qui sont musulmans, et très souvent, pas tous, mais très souvent leurs enfants font Noël parce que Noël, voilà, c'est la fête des enfants. C'est comme nous, on fait des fêtes américaines, alors qu'on n'est pas américains.

Donc n'en faisons pas je crois d'abord une fête religieuse. Faisons en d'abord une fête du bonheur, de la joie, de la famille. C'est un moment d'espérance, et je crois qu'il faut ces valeurs positives, pour contrebalancer un peu certaines valeurs tragiques.

Là, on parle de la fête de Noël, mais bon, ce n'est pas encore tout de suite, mais ces marchés, c'est quand même comme un jalon dans l'année, un repère, c'est l'arrivée de Noël qui se profile ?

C'est un peu comme la braderie de Lille, comme le festival d'Avignon ; on a à Strasbourg, c'est le plus grand, mais ce n'est pas le seul, il y en a maintenant partout. C'est souvent des petites cabanes en bois, qu'on construit dans des grand-rues ou sur des places.

Donc ce sont des commerces à part. Ce n’est pas généralement des choses très chères, c'est plutôt des bougies, des tas de petits cadeaux. On fait souvent avec les enfants, des petits personnages du père Noël, etc. Donc ce n'est pas une énorme fête de la consommation, les marchés de Noël, c'est plutôt le côté festif, y compris d'y aller ensemble, y aller en famille.

Et c'est aussi la ville qui s'illumine. On change les éclairages, on utilise beaucoup les arbres comme supports, donc on crée des formes extraordinaires. Il y a aussi cette fête des Lumières qu'il ne faut pas oublier, qui fait partie des marchés de Noël.

Quand on entend parler de guerre des angoisses du monde, ces moments sont particulièrement importants ? 

Oui, parce que c'est vrai qu'en ce moment il y a des guerres, la guerre en Ukraine, il y a eu l'attaque en Israël le 7 octobre, les bombardements de Gaza. Il y a effectivement des choses très violentes, et en plus qu'on voit beaucoup, y compris que les enfants voient beaucoup. Et puis on est toujours dans le postpandémique, on est tous encore dans le traumatisme de cette période qui est renforcée par ce qui se passe.

Le dernier livre d'Edgar Morin, c'est Mon ennemi, c'est la haine, j'aime beaucoup ce titre. Effectivement, il y a des endroits où on a des violences extraordinaires, des barbaries. C'est justement le moment de mettre le positif pour essayer un peu de remettre de l'équilibre dans un monde qui est bien fragile.

Alors remettre le positif, est-ce que ça veut dire qu’au moment de Noël et des marchés de Noël qui sont avant tout des marchés, il ne faut pas rentrer dans le débat de la sobriété et du consumérisme, etc. Ça n'a pas sa place, il faut penser positif ? 

Non, non, moi j'ai bien aimé. Je sais qu'il y a débat sur la campagne de l'ADEME. Regardez les jouets de Noël, l'année dernière, une grosse partie était des jouets d'occasion, je trouve ça magnifique. Et donc effectivement, on est en train d'entrer, en même temps, dans une économie de la sobriété, dans une économie de la réutilisation. C'est chic de porter un vêtement qui a déjà été porté, etc. Et je trouve ça extrêmement positif.

La guerre climatique doit être gagnée par le désir de vivre, et pas par le désir de mourir. Donc il faut du désir de vivre, il faut des moments de joie, Ça nous renforce pour le combat. Et après on est d'une génération, de deux ou trois générations qui vont évoluer, changer leur mode de vie, mais qui vont le faire dans la joie, c'est mieux que de le faire dans le désespoir.

La campagne de l'ADEME que vous évoquez, incite les consommateurs à réparer, à louer, plutôt qu'à acheter, donc, évidemment, certains commerçants ont fait part de leur colère. Vous, vous dites, il faut adapter Noël, ne pas faire des Noël au rabais, il faut juste adapter Noël à l'air du temps ? 

C'est comme tout, comme sa façon de se déplacer, de se chauffer, comme le fait de mettre des doubles vitrages. On est dans une immense révolution culturelle et technologique, un combat qui nous mobilise, mais qui n'est pas triste. Et Noël, c'est la fête des enfants, les enfants, c'est le cœur du désir du futur.

Et vous savez, quand il y a presque 30% des étudiantes qui disent : je n'aurais pas d'enfants, parce que j'ai peur pour ma carrière, et parce que j'ai peur pour le climat, il faut redonner le désir aux gens d'un futur, parce que c'est parce qu'on désire le futur qu'on combat, sinon, on s'arrête. Donc Noël, fête des enfants, fête du futur, faisons le joyeusement.

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