Les Français et l'Europe : "Ce sont les plus âgés qui votent, c'est un groupe qui n'a pas la même opinion que la jeunesse", souligne Jean Viard

Les Français et l'Union européenne : comment ce rapport a évolué ces derniers mois ? Question qu'il est bon de se poser au sortir d'un Conseil européen, que certains jugent historique. Les 27 ouvrent la voie à une adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie, soutien réaffirmé aussi face à la Russie, à l'exception de la Hongrie de Viktor Orban.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
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Les drapeaux des nations européennes devant le Parlement européen à Bruxelles. (Illustration) (SANTIAGO URQUIJO / MOMENT RF)

L'Union européenne vient de publier son dernier Eurobaromètre, grand sondage à travers les pays membres, et il montre que la guerre en Ukraine revigore nettement les sentiments proeuropéens.

franceinfo : L'Union européenne est globalement perçue comme un havre de stabilité dans un monde en crise par plus de 60% des Français par exemple ? 

Jean Viard : Je crois que c'est De Gaulle qui disait que les nations se construisent à la force de l'épée. Et ce n'est pas faux, malheureusement. Mais c'est clair que l'Europe n'est pas une nation, il y avait déjà eu la grande pandémie, où 750 milliards, qui avaient été mis sur la table. Il y a la guerre en Ukraine, et puis on voit le monde autour de nous, donc on se dit mais finalement, on n'est pas si mal, il y a tout ça qui joue, qui est positif.

Et on sent d'ailleurs que le premier rêve des Européens, c'est qu'on soit indépendant en matière énergétique, et que l'Europe, avec ses différents outils énergétiques, on a tous compris que l'énergie, c'était central. L'Europe en plus, est quand même le continent qui fait le plus de choses en matière écologique. Et donc il y a tout ça qui fait que l'Europe est plutôt sur un sentiment positif, et il n'y a quasiment plus personne qui se présente aux élections en disant qu'il est antieuropéen. Même les partis les plus nationalistes en ont une vision différente.

Mais je prendrai une image, au fond, la nation, c'est le cercle de famille, et l'Europe, c'est le cercle des amis. Ce qui nous pose problème dans la nation, c'est la place de l'immigration. Parce qu'il y a deux problèmes en ce moment en Europe, la guerre en Ukraine et l'immigration. Et la question dans le cercle de famille, c'est quelle est la place de l'arrivant ? Mais l'Europe, c'est plutôt le cercle des amis, ça se renforce. On voit qu'il y a une demande de politique internationale commune, une demande de politique militaire commune.

Je vous rappelle que pour l'instant, les politiques militaires sont nationales, donc on est dans un processus de construction, un objet politique nouveau, non identifié, mais qui fait rêver quand même. Parce que pour l'instant, dans l'Europe, il y a eu la paix depuis 70 ans, ce qui est quand même extraordinaire dans le monde d'aujourd'hui.

Dans le débat politique actuel en France, c'est intéressant de revenir à la question migratoire en Europe, avec des chiffres qui peuvent un peu surprendre : 67% des Français, d'après cet Eurobaromètre réalisé par les institutions européennes, se déclarent favorables à une politique migratoire européenne commune, 56% sont favorables à un régime d'asile européen commun, et puis 7 Français sur 10 veulent, dans le même temps, un renforcement des frontières extérieures de l'UE. Donc, même sur l'immigration, l'Europe est vue comme une chance en ce moment ? 

Alors il y a des sondages différents, ceux du JDD de ce matin qui sont plus négatifs. Les sondages on vous pose une série de questions, et vous avez tendance à répondre de manière cohérente. Mais ces chiffres sont positifs. Après, je pense que les gens ont un peu le sentiment que l'Europe, c'est une passoire, ce qui est loin d'être complètement faux. Frontex se développe, mais il y a quand même eu 30.000 morts en Méditerranée. Si la frontière, c'est la noyade, en termes humains, c'est insupportable ; et en termes de valeurs, c'est quoi les valeurs de l'Europe, si on se noie quand on veut venir chez nous ?

Mais il est clair qu'on a envie d'une Europe plus protectrice, qui produit son énergie à l'intérieur, qui a éventuellement des règles sociales à l'intérieur, et qui effectivement renforce les frontières, notamment pour gérer l'immigration. Ce n’est pas forcément être contre. Regardez en Italie, ils viennent de décider, alors que c'est un régime on peut dire de droite extrême, ils viennent de décider qu'il leur manque 450.000 migrants dans les années qui viennent.

Donc, on a besoin de plus de travail, nos sociétés vieillissent, mais on parle de l'immigration toute la journée. Ce qui se passe en France est totalement absurde, ça fout une trouille terrible, alors qu'en fait, dans la vraie vie des choses, on se rend compte que si c'était un peu mieux géré, un peu coordonné, au fond les gens sont assez pacifiques.

Est-ce que vous pensez que tout cela est de nature à dynamiser la campagne pour les élections européennes, qu'elles peuvent mobiliser, aller au-delà de 50% de taux de participation en juin prochain ? 

Pour aller très vite, Il y a trois groupes dans l'électorat : les personnes âgées qui sont plutôt favorables à l'Europe, même de ma génération, parce qu'on a entendu parler de la guerre, de la Shoah. Il y a les jeunes qui ont été élevés dedans, on leur a appris à l'école. Et puis, au milieu, il y a la génération qui s'est pris la mondialisation, l'effondrement de la production industrielle, et qui a souffert du chômage depuis 30 ans. Ceux-là sont les plus rétifs à l'Europe. C'est d'ailleurs en partie la base de l'extrême droite, et les jeunes ne vont quasiment pas aller voter à ces élections. C'est pour ça que ça ne risque pas de bouger énormément. Le gros problème de la France, c'est que lorsqu’on fait des sondages, on prend toute la population. Mais ceux qui votent, ce sont les plus âgés, et c'est un groupe qui n'a pas la même opinion, notamment que la jeunesse.

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