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Les dons des Français : "62% des gens qui donnent ont des pratiques religieuses, mais aussi plutôt des diplômés, des femmes, et les plus de 50 ans"

Le deuxième baromètre annuel de la solidarité, publié au printemps dernier, confirmait que les Français voulaient donner plus dans le contexte de crise sanitaire. Une générosité à l'oeuvre ce weekend : le 35e Téléthon a permis de collecter près de 74 millions d'euros pour la recherche et les maladies rares. 

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
2 décembre 2021, Poitiers. Des détenus de la maison d'arrêt de Vivonne donnent un chèque de 556 euros au bénéfice du Téléthon 2021. (MATHIEU HERDUIN / MAXPPP)

Avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, on évoque aujourd'hui la générosité des Français. On est souvent incité à donner, comme pour le Téléthon, comme pour plein de causes différentes. Et ce qu'il faut retenir, c'est que les Français répondent présents globalement, y compris en temps de crise. Le deuxième baromètre annuel de la solidarité, qui a été publié au printemps dernier, confirmait déjà que les Français voulaient donner plus, dans le contexte de crise sanitaire.

franceinfo : Est-ce que ça vous surprend et comment est- ce que vous l'expliquez, Jean Viard ? 

Jean Viard : Mais on est une société où 30% des gens sont dans une association, et où il y en a beaucoup qui donnent. Il y a à peu près quatre millions et demi de familles françaises qui donnent régulièrement, et à peu près 110.000 entreprises. En gros tout ça génère à peu près 8 ou 9 milliards, 5 milliards pour les particuliers, et 3 milliards et demi pour les entreprises.

C'est à la fois beaucoup, et c'est que 4 millions et demi de familles, on est nombreux. En 2020, il y a eu une augmentation des dons. Alors, peut être pas dans le Téléthon, parce qu'effectivement, le Téléthon, c'est du lien de proximité, il y a des jeux, tout ça, et évidemment, ça avait disparu. Mais il y a une chose qui est très frappante, c'est que les systèmes d'abonnements et de prélèvements automatiques sont de plus en plus importants dans cette affaire,  et c'est eux qui donnent le plus, et en plus vous ne les arrêtez jamais. Donc, de temps en temps, vous prenez un abonnement pour une association ou une cause, etc. puis ça dure tous les ans. 

En moyenne, en prélèvements automatiques, les gens donnent 149 euros par an, quand c'est en ligne, c'est 126 euros. Et quand c'est par courrier avec un chèque, on est à 80 euros. C'est aussi une question de milieux sociaux, les milieux hyper numérisés et puis les milieux moins numérisés. Ça vous donne un ordre de grandeur de la situation, mais après, tout le monde ne donne pas. Ça dépend des gens, des âges et tout ça. 

Est-ce que vous diriez globalement que la France est un pays généreux, avec beaucoup de solidarité, et peut-être même avec un modèle de la solidarité en France, vous avez parlé du fort tissu associatif, il y a aussi toutes les incitations fiscales. Est-ce que c'est un modèle français ? 

Pour les incitations fiscales, on avait perdu des déducations fiscales avec la suppression de l'ISF. Donc, il y a eu des dons qui ont diminué, même si effectivement, on a droit chacun à 1.000 euros de déduction, il faut le rappeler, parce que plein de gens ne le savent pas, c'est un des éléments d'appât, car pour moitié c'est l'Etat qui donne en réalité.

Qui donne ? 62%, c'est des gens qui ont des pratiques religieuses, c'est plutôt des diplômés, plutôt des gens de plus de 50 ans, et c'est plutôt des femmes. Et je dirais c'est la solidarité traditionnelle qu'on a un peu dans les images, les films, l'Église, etc. La charité, ça reste vrai un peu. Ça reste quand même lié à la question religieuse. Et puis, c'est un peu surreprésenté dans les milieux diplômés. On dit souvent : les pauvres donnent plus que les riches...C'est compliqué, ce n'est pas totalement évident.

Les Français qui se déclarent plus enclins à donner dans le contexte de cette crise sanitaire, vous nous avez dit beaucoup que ça avait rapproché les Français. Ça nous fait prendre conscience du sort des gens qui vivent à côté de nous. Ça vous semble assez logique ? 

Oui, mais ça, c'est vrai. En plus, on a tous senti qu'il y avait besoin de le faire. En plus, il y a des dons qu'on ne voit pas, c'est le don de temps pour ses anciens, le don de temps pour un enfant handicapé, ça aussi, c'est un immense don intrafamilial, il ne faut pas l'oublier. En 2020, on a donné 22% de plus. Donc, c'est clair qu'il y a eu un "effet don", comme il y avait l'effet des gens qui applaudissaient sur les balcons, etc.

Après, il faut voir l'évolution des sujets : d'abord on a donné historiquement pour la protection de l'enfance, et puis pour la pauvreté, et encore aujourd'hui, le premier sujet, c'est la protection de l'enfance, après c'est la pauvreté. Et puis après, petit à petit, il y a la protection des animaux et puis après la protection de l'environnement.

C'est des sujets qui évoluent, et ce qui est surprenant, c'est que les jeunes donnent plus volontiers pour des causes urgentes, ils sont sensibilisés à un événement, à une collecte ponctuelle. Et ils sont plus sensibilisés à la protection des animaux que leurs aînés. Il y a aussi ces évolutions par génération, qui sont des éléments intéressants pour un sociologue, d'essayer de regarder ce qui, au fond, fait solidarité pour la société.

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