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La participation des femmes à la science : "On est en train de rattraper un retard qui était évidemment scandaleux et historique"

Après la journée internationale vendredi 11 février, des femmes et des filles de science, journée promue par l'ONU pour inciter les femmes à se lancer dans ce domaine, Jean Viard évoque aujourd'hui les inégalités notables entre femmes et hommes en la matière. 

Article rédigé par franceinfo - Benjamin Fontaine
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Rebecca Quintanilla, scientifique et biologiste, travaille dans un laboratoire universitaire des toxines marines et du phytoplancton à San Salvador. (Illustration) (ALEX PENA / ANADOLU AGENCY VIA AFP)

Jean Viard, sociologue et directeur de recherche au CNRS est l'invité de Question de société pour évoquer la journée internationale des femmes et de la science, passée un peu inaperçue, vendredi 11 février.  Une journée qui depuis 2015 entend soutenir et promouvoir un accès équitable et une participation des femmes et des filles à la science. Un domaine où les inégalités sont évidentes.

Le sujet est aussi revenu sur la table cette semaine en France, avec des fédérations professionnelles qui réclament plus de mixité dans les spécialités du bac, et notamment les maths. Ce n'est pas nouveau, évidemment.

franceinfo : Jean Viard, ce déséquilibre entre hommes et femmes dans les métiers scientifiques, ça s'explique comment ? C'est lié à l'enfance ?

Jean Viard : Cela remonte à 100.000 ans si je puis dire... En fait c'est le partage des tâches entre les hommes et les femmes, depuis l'époque du chasseur-cueilleur. On a développé des savoir-faire où l'homme chasse, et l'homme transforme la matière, on les retrouve dans l'industrie, dans les écoles d'ingénieurs, etc. La femme s'occupe de l'éphémère – le corps, la nourriture, le vêtement, l'arrangement – essayez de demander à un homme de faire un bouquet de fleurs, c'est généralement catastrophique.

Donc, il y a des invariants culturels profonds qui vont mettre du temps à se transformer. Et puis, la deuxième chose, c'est que les dames, les jeunes filles, sont en train de doubler les hommes partout, en matière de diplômes. La limite, c'est 1968 ou c'est la première année où il y a plus de filles que de garçons qui passent le bac. Et puis maintenant, on est à presque 50 à 55%. Et à la fac, je crois qu'on a 57% d'étudiantes, sauf dans les écoles d'ingénieurs, où elles sont 25%. On est en train d'éduquer les jeunes filles et de rattraper un retard qui était évidemment scandaleux et historique. 

C'est un progrès absolument considérable. Mais effectivement, ce progrès, il est lié aux cultures acquises depuis des générations et des générations. C'est pour cela que j'ai pris 100 000 ans comme ordre de grandeur, pour se rendre compte qu'on est dans le très long terme des bouleversements profonds de la place des femmes dans les sociétés.

Est-ce que ces inégalités, ce n'est pas aussi lié aux valeurs qui sont portées par les métiers scientifiques, qu'on dit parfois des métiers de compétition, d'individualisme aussi ? 

Bien sûr qu'il y a des clichés. Alors bien sûr ces évolutions sont dans les cerveaux, alors comme en plus Jean-Michel Blanquer a rendu les mathématiques facultatives en terminale, et de très haut niveau, pour ceux qui veulent faire carrière à un très haut niveau, les maths sont devenues une spécialité haut de gamme, mais plus un outil de sélection. Résultat : n'y vont que ceux qui sont très bons, et ceux qui vont un peu ramer pour faire des maths pour avoir quand même leur bac S, ils n'y vont plus.

Et donc, les jeunes filles ont l'idée qu'elles vont être moins bonnes, ou qu'elles vont prendre plus de risque et l'imaginaire de la femme s'associe moins, encore aujourd'hui, à l'idée des sciences. 

Et ça changerait quoi de voir plus de femmes dans la science, dans la recherche, puisqu'on on veut cette égalité aujourd'hui ? 

D'abord, c'est un problème de principe, c'est-à-dire le droit des jeunes filles à accéder à tous les métiers, donc accéder au pouvoir, notamment dans l'informatique, dans le militaire, tous ces domaines où les maths jouent un rôle absolument central. C'est aussi une question de place dans la société. C'est sûr que si vous avez fait Polytechnique, vous avez une position sociale qui n'est pas la même que si vous avez fait une école de commerce.

Et puis après, il y a sans doute une appréhension d'un certain nombre d'éléments du quotidien, par exemple tous les robots, les robots du quotidien, l'habitabilité etc., mais après, je ne veux pas être trop caricatural, on ne peut faire une évaluation que sur le long terme.

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