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JO de Paris 2024 : "Le sport, c'est une manière de faire la guerre sans tuer personne, c'est un enjeu de puissance de l'image de la France", Jean Viard

Le compte à rebours avant les Jeux olympiques de Paris 2024 a été lancé cette semaine. Nous sommes aujourd'hui précisément à 1000 jours de l'événement. Le sociologue Jean Viard évoque avec nous la question de la place du sport en France. 

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Paris, le 24 septembre 2021. On photographie le symbole à cinq anneaux des Jeux olympiques devant l'hôtel de ville de Paris. (HUGO PASSARELLO LUNA / HANS LUCAS / AFP)

Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS, nous aide chaque weekend à répondre à une question de société. Nous sommes aujourd'hui à J- 1000 avant les Jeux olympiques de 2024 à Paris. La question de la place du sport dans la société française est d'actualité.

franceinfo : Les sportifs le demandent, les politiques affichent l'ambition, que ces J.O. À Paris soient l'occasion d'augmenter la place du sport dans la vie des Français. En quoi cela serait il important ? 

Jean Viard : On n'est pas un pays très, très sportif quand on voit les États-Unis, l'importance que cela a dans les écoles, etc. On n'est pas du tout là dedans. Le sport, c'est important pour différentes raisons. D'abord, évidemment, pour la santé, pour le développement des enfants, etc. Mais je crois que c'est important aussi parce qu'on apprend à se maîtriser, notamment à maîtriser la violence. On apprend à se contrôler, y compris dans les sports de combat qui ont un grand rôle, notamment dans les quartiers populaires, etc.

Et puis, il y a une chose fondamentale, c'est que le sport, c'est une activité collective régie par le droit, et donc à la fois, un jeu comme un match de foot, c'est à la fois très désordonné, mais mine de rien, on apprend qu'il y a des règles et qu'il faut les respecter. Donc, je crois qu'il y a ce rapport au corps, ce rapport à la maîtrise de soi-même. Et puis, évidemment, cette question du rapport entre le jeu collectif et le droit, qui est un élément essentiel de construction du lien social. Et puis, il y a le public et les amis. C'est-à-dire que c'est au fond une énorme scène de la vie collective. 

Donc, c'est bon pour le corps, pour l'esprit, pour la société. Néanmoins, ces Jeux olympiques en particulier, ce sont des investissements massifs, de l'argent public. Le coût est pointé du doigt par certains, et la réponse est souvent la même. Ces JO auront été utiles s'ils laissent un héritage. De quel héritage parle-t-on? 

On aménage des quartiers au fond, on fait une cité pour les sportifs, on fait des salles de sport, etc. Au fond, la question, c'est comment l'argent qu'on dépense va ensuite servir à ce que certaines zones en difficulté d'Ile de France s'appuient sur ces équipements pour leur développement. C'est ça l'enjeu de légitimation de la dépense, c'est-à-dire qu'effectivement, la dépense n'est pas seulement éphémère pour le spectacle, etc., pour la place mondiale de la France, elle est aussi effectivement un bénéfice territorial.

Et il y a eu des J.O. Qui ont dépensé des sommes absolument pharaoniques. La mode aujourd'hui est à l'économie et à l'écologie. Donc je dirais qu'il faut être économe. Il faut être écologique, et il faut dire après les milieux populaires vont s'en servir. Il y a tout cela qui est important. Et ce qu'il faudrait, c'est que ça ne soit pas que de la "com", mais que ça soit vrai. 

Le gouvernement a fixé un objectif de 80 médailles en 2024. C'est beaucoup plus que Tokyo l'été dernier avec 33. Et Emmanuel Macron a dit lui aussi quand il a reçu les médaillés de Tokyo à l'Elysée, qu'il faudra faire beaucoup plus. On voit que la politique et le sport s'entremêlent. C'est vieux comme Hérode ? 

Oui, au fond, quelque part, le sport, c'est une manière de faire la guerre sans tuer personne, si on peut dire comme ça, c'est une forme de concurrence entre les nations. Tantôt, certains sont bons dans le sport pour les dames, tantôt c'est les sports collectifs, nous, on a des grands niveaux de compétence. En plus, c'est des lieux de brassage, les sportifs sont de toutes origines, donc c'est aussi ça. C'est une image d'un pays où il n'y a pas qu'une seule origine géographique, et de couleur de peau pour le dire directement. Il y a tout ça qui joue, donc c'est effectivement une façon de faire de la politique.

Et quand on accueille la règle, c'est que le pays se galvanise et on fait mieux que d'habitude. Là, ils ont mis la barre très haut. Mais c'est clair que c'est un enjeu politique. C'est un enjeu de puissance de la France, de puissance de l'image de la France. En plus, y a Coubertin, il y a toute la tradition derrière. Donc, bien sûr que les politiques vont galvaniser. Et les sportifs, c'est de bon jeu, vont essayer au maximum de récupérer des budgets pour former les jeunes, pour construire des équipements, etc. Il y a aussi ça qui est dans la balance.

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