Flamme olympique et mégabassines : "Il faut faire attention de ne pas à nouveau, rejeter les agriculteurs en dehors de la famille française" souligne Jean Viard

Le passage de la flamme olympique est-il un bon prétexte à saisir, pour mettre en avant toutes les luttes du moment, qu'elles soient sociales ou écologiques ? C'est la question que l'on se pose aujourd'hui dans "Question de société", parce que des organisations écologistes lancent un appel à se mobiliser aujourd'hui contre les mégabassines dans la Vienne.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Manifestation contre le projet de mégabassines dans le Puy de Dôme, le 11 mai 2024. Aujourd'hui samedi 25 mai, alors que la flamme olympique passe dans la Vienne, près de Poitiers, les associations écologistes se mobilisent contre les projets d'une trentaine de mégabassines dans le département. "Dans les démocraties, c'est un bon prétexte à manifester", souligne Jean Viard. (NICOLAS LIPONNE / MAXPPP)

Les organisations écologistes lancent un appel à se mobiliser aujourd'hui contre les mégabassines. Les auteurs de l'appel précisent qu'il ne s'agit pas de perturber le passage de la flamme olympique dans la Vienne, près de Poitiers en ce moment, mais de profiter de ce moment, pour se mobiliser pour alerter sur le manque de moyens alloués notamment à la question de l'eau. Décryptage avec le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Si le but n'est pas de perturber le passage de la flamme, pourquoi la viser ?

Jean Viard : Chaque fois qu'il y a un grand événement international en France, il se passe la même chose. Vous étiez jeune, mais en 1998, au moment de la Coupe du monde de foot, y compris la grève des avions, elle a fini la veille. Donc, tout le monde avait cherché à en profiter. Il n'y a pas qu'en France. Il faut dire une chose, c'est que les régimes totalitaires ont le gros avantage que ça ne se passe pas. La Russie, la Chine, tout ça. Mais dans les démocraties, c'est un bon prétexte à manifester.

Après, en France, il y a un petit plus, comme toujours. C'est vrai qu'on va avoir en mémoire les gens qui courent avec leur drapeau, à côté de la flamme, etc. Mais ne faisons pas comme si c'était nouveau. Je dirais qu'il y a une opportunité. Je pense qu'elle était d'ailleurs intégrée dans les plans de financement des grandes entreprises publiques, de transport, la police aussi, ça me semble normal, évidemment, les gens en profitent, parce qu'il y a des caméras et que les caméras se déplacent, parce que la flamme est entourée d'un système de photos, de films, etc. Donc, c'est de bonne guerre.

Mais après, il y a un vrai sujet, c'est l'eau, un sujet majeur du monde de demain, avec le réchauffement climatique, alors cette année il a tellement plus, il n'avait jamais plu autant depuis 1958. Donc on n'a pas manqué d'eau. Mais la question se pose vraiment, c'est absolument certain, et c'est un sujet qui mériterait des débats, et c'est un sujet compliqué, par territoire, il y a des endroits, il faut modifier les modes culturales, les autres, les modes de vie.

Il y a des endroits, il faut faire des bassines. Bon, là les choses sont présentées de façon un peu monologique, comme s'il n'y avait qu'une seule solution, par des gens qui généralement ne sont pas agriculteurs. Donc je crois qu'il faut faire attention de ne pas à nouveau rejeter les agriculteurs en dehors de la famille française, si on peut dire.

Aujourd'hui, dans la Vienne, ceux qui appellent à manifester comparent l'argent investi dans les J.O pour rendre la Seine assez propre – pour que l'on puisse y nager lors des jeux, lors de certaines épreuves – avec l'argent qui serait, par exemple, nécessaire à servir des causes environnementales, en particulier pour l'eau. Est-ce que c'est pertinent selon vous ?

Mais chacun peut dire : il vaut mieux faire chez moi que chez le voisin. Moi je pense que la bataille de la Seine est une bataille symbolique principale, une bataille de cadre de vie pour toute l'Ile de France. Si effectivement, il y a des gens qui se jettent dans l'eau avec la maire de Paris, pourquoi pas avec le président de la République, ça va être un truc mondial, pour dire que la France se bat pour l'écologie. Donc ça, ça me semble essentiel et positif.

Après, en France, il va falloir un jour arrêter de dire : on a mis tant de millions à tel endroit, je veux la même chose à cet endroit. La France dépense trop, l'Etat dépense trop, Il faut qu'on décide où est-ce qu'on met l'argent et on va en manquer. Donc ce discours de : 'C'est parce qu'on a fait la Seine qu'il faut faire ma rivière', ils ont raison, ils ont les mêmes droits. Avoir une rivière navigable et baignable, mais on ne peut pas faire tout en même temps.

Il faut faire les choses, les unes derrière les autres. Avoir commencé par la Seine ne me semble avoir rien de scandaleux. On s'est fait la main, on a trouvé des techniques, on a fait des réserves d'eau pour quand il y a des orages, le progrès est considérable. J'espère que ça sera utile après. Mais n'essayons pas tout le temps de dénoncer les trucs qui réussissent, si tant est que la baignade dans la Seine est possible, ce qui n'est pas encore garanti.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.