Conseil national de la refondation : "Il faut penser cette génération de la jeunesse, la solidifier par un statut social étudiant", estime Jean Viard
"Question de société" s'intéresse aujourd'hui au Conseil national de la refondation dédié à la jeunesse, avec le regard du sociologue Jean Viard.
Nous parlons de la jeunesse aujourd'hui, avec le sociologue Jean Viard, puisque c'est sur ce sujet que planche le Conseil national de la refondation en ce moment. Une vingtaine de jeunes engagés rejoignent d'ailleurs pour l'occasion les membres de ce CNR, lancé en septembre 2022 par Emmanuel Macron. Essentiellement une réunion d'élus et de syndicalistes. Les thèmes de travail sur la jeunesse sont : logement étudiant, réforme des bourses, engagement citoyen, insertion professionnelle.
franceinfo : Est-ce que ce Conseil national de la refondation vise juste, au bon endroit ?
Jean Viard : En fait, je ne sais pas trop quoi en penser, mais ce que je sais, c'est que j'ai beaucoup travaillé sur la jeunesse. Il faut qu'on pense la jeunesse comme un tout, une période de la vie, comme il y a la retraite au fond. La jeunesse, elle est née en 1945. C'est une idée de l'après-guerre. Avant, ça n'existait pas l'idée de jeunesse. Il y avait les enfants et les travailleurs, et on travaillait directement à 14, 15 ans. En 1968, la jeunesse a secoué le monde, comme on dit. Et elle a mené quelques années d'errance, baba cool, Katmandou, etc.
Donc on a inventé un temps "jeune" qui est un temps de propédeutique. Ça veut dire quoi ? C'est une période d'apprentissage, où on hésite sur ce qu'on va faire, après. Et donc il faut multiplier les opportunités de rencontres pour former des personnalités. Donc un peu de voyage, un peu d'étude, un peu de travail. Il faut mélanger tout ça. C'est pour ça que j'appelle ça l'année propédeutique. C'était le nom des premières années universitaires, à l'époque. C'était une année où on ne savait pas si on allait faire droit, social, etc, donc il y avait une année de propédeutique, on faisait un peu de tout, et à la fin, on choisissait.
L'idée, c'est qu'il y a différents chemins, mais on met tous 10 ans pour devenir adulte dans nos sociétés, de 16 à 26 ans. Et en fait, à 29 ans, en général, on a un contrat stable, et à 30 ans et quatre mois, la plupart des gens ont un bébé, même s'il ne faut pas oublier que 30% ne veulent plus en avoir, à cause du réchauffement climatique notamment.
On est là dedans, il faut penser cette génération, il faut la solidifier par un statut social étudiant. Ils ont tous droit à la sécurité sociale étudiante qui coûte très peu cher. Il n'y a aucune raison que tout le monde ne l'ait pas. Mais effectivement, il y en a qui ont décroché de l'école. Ils font des petits boulots. À un moment, il faut les remettre en apprentissage. D'autres font des études un peu longues, il faut leur dire oui, d'accord, mais l'été, tu travailles deux mois pour apprendre un peu à travailler, une organisation, une structure, des règles.
Il y a différents chemins, il y en a qui n'ont jamais voyagé. Il faut les aider à sortir de France, déjà de leur région, déjà de leur ville. Donc le voyage, le travail, les études. On a dix ans pour mélanger tout ça. Et l'amour, bien sûr. Faut pas rêver : 40% des jeunes n'ont pas eu d'aventures sentimentales depuis deux ans. Il ne faut pas se raconter une jeunesse complètement ébouriffée, mais cette idée de génération jeune, en plus, là, il y a une génération de la pandémie.
Est-ce qu'une politique de la jeunesse, c'est utile ? Est-ce que quand l'Etat essaie de régler toutes ces questions, ça montre des bienfaits, une efficacité ?
Moi, j'ai toujours un peu peur de ces mots là. Je pense qu'il faut un statut de la jeunesse auquel les jeunes ont droit, comme les retraités, on discute en ce moment de l'âge de la retraite, c'est la même chose. Ce que je crois, c'est qu'il faut les écouter comme citoyen, parce qu'on dit les jeunes ne s'intéressent pas à la politique, mais ce n'est pas vrai. Ils sont très engagés dans des actions, ils ont envie de choses qui se voient tout de suite. Ils n'ont aucune confiance dans les partis politiques. Ils ne sont pas les seuls, mais par contre ils sont 64% à avoir voté à la présidentielle, 34% aux législatives, et 10% pour tous les trucs locaux, les mairies, les conseils généraux.
Et pourquoi on ne part pas de ça pour réorganiser les structures politiques ? Donc quand ils disent quelque chose, on ne les écoute pas. Ce n'est pas la peine de faire de la politique de la jeunesse. Ils se sont exprimés, modifions les règles d'organisation des élections, n'ayons qu'un seul jour d'élection pour les communes, les communautés de communes, les métropoles, les départements, les régions. Faisons un "middle terme" à l'américaine, et du coup vous allez voir les jeunes, ils vont revenir voter.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.