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Bilan démographique : "Un pays qui se dépeuple est un pays qui s'affaiblit, et qui a moins de gens pour cotiser pour les retraites" souligne Jean Viard

723 000 naissances en 2022, en France. C'est le nombre le plus faible de naissances depuis 1946. L'Insee souligne une légère hausse de la population globale : 0,3% de plus, 68 millions d'habitants au 1er janvier 2023. Que pensez de cette tendance à la baisse de la natalité ?
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un bébé de neuf jours pour illustrer la baisse de la natalité en France en 2022. 723 000 naissances, le nombre le plus faible depuis 1946. (JIMKRUGER / E+ / GETTY IMAGES)

Le sociologue Jean Viard est chaque week end sur franceinfo pour répondre à une question de société. Aujourd'hui, est-ce que c'est grave de voir la démographie française aussi amorphe ? Les chiffres de l'Insee publiés cette semaine sont sans équivoque : 68 millions d'habitants en France au 1ᵉʳ janvier 2023, c'est un tout petit peu plus qu'un an auparavant. Une toute petite hausse qui s'explique par le solde migratoire. Car pour ce qui est de la natalité, elle est en baisse.

franceinfo : 723 000 naissances en 2022, c'est le nombre le plus faible depuis 1946. Est-ce que c'est grave, docteur ? 

Jean Viard : Un pays qui se dépeuple est un pays qui s'affaiblit, et qui a moins de gens pour travailler, qui a moins de gens pour cotiser pour les retraites, le problème c'est combien il y en a qui travaillent en réalité ? C'est ça qui permet de calculer les retraites. Et là, on va vers un indice de 1,2, c'est à dire 1,2 actif pour 1 retraité. Mais si la natalité continue à baisser, ça va être un point. 

Pour l'instant ce n'est pas un dépeuplement, mais ça stagne vraiment. Et puis la baisse des naissances ?  

Non, ce n'est pas un dépeuplement, mais il y a des problèmes d'âge, et la population vieillit, donc effectivement, le nombre de gens est un enjeu, mais la jeunesse des gens aussi, parce que plus on a de retraités, moins on a d'actifs, moins ça fonctionne. On a vu pendant la pandémie, au début de la pandémie un effondrement. Logique parce qu'on ne savait pas où on allait, personne n'avait envie de mettre un bébé dans une telle désorganisation.

Et puis ensuite, on a vu l'année d'après en 2021, les femmes de plus de 40 ans qui du coup étaient déjà à la limite, puisque souvent maintenant le premier bébé c'est 30 ans et quatre mois, et le deuxième, c'est autour de 40 ans. Les plus de 40 ans se sont dit : il faut que je rattrape, donc il y a une augmentation, un peu plus de 8% je crois, chez les dames de plus de 40 ans. Je pensais que c'était surtout une situation d'urgence qui faisait que ça avait augmenté.

Et après, la tendance de fond, c'est une diminution. Et plus on a la crise climatique, plus ça augmente, parce qu'actuellement vous avez 30% des jeunes femmes et 37% des jeunes filles diplômées, c'est-à-dire que plus on est diplômé, plus on a conscience de la crise écologique, et plus on n'a pas envie de mettre d'enfants dans ce monde tel qu'il est en train de se construire.

Et en plus – comme on est un pays très influencé par des idées d'extrême droite très fermées à la migration – si on ne fait pas venir des bras, si on ne les "fait" pas, j'allais dire dans nos berceaux, et si on n'accepte pas qu'ils viennent, regardez les 700 000 réfugiés russes qui ont quitté la Russie, on en a accueilli combien en France ? Alors qu'ils sont hyper diplômés, hyper techniques. Donc il y a là un capital intellectuel gigantesque qui, du coup va plutôt vers l'Europe centrale. 

Vous parlez de la décision des jeunes femmes, ce mouvement de désir d'enfant moins important que dans les générations précédentes, on le constate aussi chez les garçons. Ce n'est pas que la responsabilité de la femme la naissance ? 

C'est vrai, mais on compte toujours par rapport aux mamans. Les naissances, on compte toujours par rapport aux mamans, en nombre de femmes en âge d'avoir un enfant, etc. On ne tient pas compte de l'âge du père. 

La question du solde migratoire : si la population française a légèrement augmenté, c'est du fait de ce solde migratoire puisqu'on le rappelle, il y a une baisse des naissances et en parallèle, une légère hausse de la mortalité, du nombre de décès. C'est un constat sans appel, c'est bien l'immigration qui porte la démographie française à bout de bras en ce moment ? 

En partie, on a un taux de natalité qui est encore légèrement supérieur à nos petits camarades d'Europe pour ne prendre que l'Europe, même si on est un peu au dessus de 2, je crois que c'est 2,1 ou 2,2. C'est le taux de reproduction à l'identique, donc c'est clair que ça ne suffit pas pour garder la même population. 

Est-ce que la France, avec cette baisse de la natalité, tend à un scénario à l'italienne ou à la japonaise, des pays qu'on décrit souvent avec une démographie, une natalité particulièrement basse, et qui est un grand sujet d'inquiétude ?

On est passé de 50% de femmes salariées en 1974, à, à peu près 85% aujourd'hui. La garde des enfants est centrale parce qu'aujourd'hui les dames veulent travailler et elles veulent être indépendantes. Et c'est une très bonne nouvelle. Mais du coup, effectivement, si monsieur et madame travaillent, qui garde les enfants, comme aurait dit un ancien ministre ? Déplaçons notre regard, effectivement, quand est-ce qu'on va décider qu'il y a une place en crèche pour tous les enfants qui naissent dans ce pays ? Le jour où on décidera ça, peut-être que ça aidera à la natalité. 

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